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imparfaite idée. Quoi qu’il en soit, c’est à cette fatale méthode et à la longue fixité d’intérêts qu’elle a produite, qu’il faut attribuer l’espèce d’étonnement que l’on manifeste à l’annonce d’une mesure bien naturelle, et la résistance que l’on oppose à cette réparation tardive. Il serait trop extraordinaire pourtant que des ministres, des hommes d’état, qui doivent savoir remonter plus ou moins au principe des, choses, partageassent ces préjugés ou se laissassent arrêter par cette résistance insolite.

Nous ne nous arrêterons pas à discuter les objections que l’on propose contre l’opportunité actuelle d’une conversion, ne pouvant nous résoudre à croire qu’après réflexion elles soient acceptées comme sérieuses par ceux mêmes qui les font. Disons seulement quelques mots sur les conditions et les termes dans lesquels on prétend l’exécuter.

Ce qui est possible actuellement, avons-nous dit, c’est une conversion en 3 trois quarts, tout au moins en 4. Pourtant, eu égard à ce qu’il y a en ce moment d’inusité dans la mesure, et à l’espèce d’émoi qu’elle excite, nous comprendrions que l’on se contentât pour le présent d’une conversion en 4 et demi ; mais ce que nous ne pouvons ni concevoir ni admettre, c’est que, même en l’exécutant dans cette mesure étroite, l’état pût accepter encore des conditions. Pourquoi ; donc faudrait-il qu’il s’imposât, comme le veut la proposition de M. Muret de Bort, l’obligation de maintenir le taux de la rente à 4 et demi pendant dis ans ? On n’a que trop différé dans le passé, faudra-t-il qu’aujourd’hui on s’impose encore de nouvelles entraves pour l’avenir ?

Quant à cet autre projet, qui consisterait à convertir les rentes en 3 pour cent, de manière à augmenter le capital de la dette, tout en n’exécutant la réduction des intérêts que dans la proportion du 5 au 4 et demi, il serait aussi extraordinaire qu’inique. C’est, dit-on, afin de dédommager les rentiers. Quoi donc ! alors que l’état n’exerce d’un côté qu’une partie de son droit, il devrait un dédommagement de l’autre. Nous avons montré plus haut quand et dans quelles conditions de semblables compensations peuvent être offertes, quoique, pour notre part, nous repoussions ce principe dans tous les cas : c’est lorsque l’état excède son droit, lorsqu’il va, dans la réduction des intérêts, au-delà des limites indiquées par l’état du crédit ; mais offrir des compensations, lorsqu’on reste même fort en-deçà des limites permises, ce serait en vérité faire trop bon marché de la fortune publique.


CHARLES COQUELIN.