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Ces conquêtes-là ne coûtent pas de larmes à l’humanité : les vainqueurs et les vaincus en recueillent également les fruits. La France n’a d’ailleurs rien à craindre dans cette lutte. Tête de cette gigantesque colonne qui s’est détachée un jour des hauteurs de l’Asie, la famille celtique est celle dont les caractères expriment le mieux le type de la race caucasique. La première fois qu’elle apparaît dans l’histoire, c’est pour brûler le Capitole. Elle lutte contre Rome pendant des siècles, et quand Rome est tombée, elle lui succède. Les Français ont aujourd’hui la figure et le tempérament des anciens Romains. Les autres races du Nord sont physiquement inférieures à la nôtre ; les Germains sont robustes, la famille slave est envahissante comme toutes les races jeunes ; mais par l’Allemagne et la Russie, d’après M. Serres, on voit arriver de loin le mongolisme. La France a surtout hérité de la puissance romaine un caractère d’initiative qui la distingue. Quand les philosophes ont cherché un motif à l’acte de la création, ils n’en ont pas trouvé de meilleur, sinon que le principe de la vie avait eu besoin de se communiquer. Ce besoin, qui chez Dieu détermine le mouvement créateur, devient dans l’humanité l’agent du progrès. Il y a des peuples qui communiquent, et il y en a d’autres qui absorbent : Carthage absorbait comme l’Angleterre, Rome communiquait comme la France.

Les Romains portaient partout avec eux la civilisation ; ils construisaient des fontaines, des routes, des ponts, des canaux chez les peuples vaincus ; ils leur transmettaient leur langue, leurs lumières, leurs connaissances. L’intensité des caractères diminue chez une race à mesure qu’elle étend et généralise ainsi sa présence à la surface du globe. A force de faire participer les nations étrangères à sa propre existence, la race latine, dans laquelle toutes les autres avaient mêlé leur sang, a fini littéralement par s’évanouir dans ses conquêtes. Cette cause de décadence de la grandeur romaine, quoique passée sous silence par Montesquieu, nous semble la plus forte de toutes Rome est morte pour le salut de l’humanité. La France a visiblement la même tendance ; elle est douée d’un mouvement d’expansion extraordinaire. On a dit que le Français n’était pas un peuple colonisateur ; on pourrait même presque dire qu’il n’est point conquérant, en ce sens qu’il ne sait point conserver ses conquêtes. En effet, c’est moins la possession qu’il recherche dans la victoire que l’influence à exercer sur le monde. Le Français est, qu’on nous passe le mot, un peuple missionnaire. Il a été guidé par ce sentiment dans toutes ses entreprises. Le besoin de communiquer son enthousiasme révolutionnaire