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devait être fréquemment ramené aux principes sur lesquels elle avait été établie. Il expliqua que, dans sa pensée, des modifications modérées, mais substantielles, étaient devenues indispensables pour corriger les vices qui s’étaient peu à peu introduits dans les vieilles institutions anglaises, et qui menaçaient d’en ruiner le magnifique édifice. Il demanda enfin la formation d’un comité pour rechercher les moyens d’ôter aux bourgs pourris un privilège dont ils faisaient un si indigne usage. Sa pensée était d’augmenter, en proportion du nombre des députés qu’on leur ôterait, celui des députés des comtés, véritables représentans de la propriété et de la population. La proposition rencontra de nombreux adversaires. On ne manqua pas d’opposer à ce qu’on appelait les illusions de la théorie les réalités de la pratique. Fox et d’autres membres de l’administration s’expliquèrent au contraire dans le même sens que Pitt. Néanmoins la motion, repoussée par 160 suffrages, n’en obtint que 140. Même parmi les whigs, elle était loin de rencontrer une faveur unanime. Burke répugnait à un pareil changement, et la plupart de ceux qui, comme Fox, paraissaient le désirer, n’avaient pris cette attitude que pour arrêter par la menace des abus trop crians ; ils n’avaient pas sérieusement la pensée de tenter une innovation dont la portée inconnue leur inspirait quelque inquiétude. Sur ce point, Pitt était alors en avant de presque tous ses contemporains.

L’échec qu’il venait d’éprouver ne le découragea pas. Quelques jours après, l’alderman Sawbridge, qui s’était imposé la tâche spéciale de réclamer à chaque session contre la durée septennale des parlemens, reproduisit sa motion annuelle, généralement considérée comme l’expression de l’esprit de réforme le plus radical. Pitt appuya la motion de l’alderman, bien qu’il ne pût en espérer le succès. Il appuya aussi avec beaucoup de force et non moins inutilement un bill proposé par son beau-frère, lord Mahon, à l’effet de prévenir la corruption et les énormes dépenses qu’entraînaient les élections.

Nous touchons, pour ainsi dire, au terme de la jeunesse politique de Pitt. C’est sous un nouvel aspect qu’il va se présenter. Nous allons le voir entrer dans sa précoce maturité, et les deux premières années de sa carrière deviendront pour lui un souvenir importun que ses amis essaieront d’oublier, dont ses ennemis se prévaudront souvent pour le mettre en contradiction avec lui-même.

La santé du marquis de Rockingham, depuis long-temps affaiblie, n’avait pu résister à une maladie contagieuse qui régnait alors à Londres. Il était mort le 1er juillet, après quatre mois de ministère.