Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était sur le point de s’y engager. Fox, fatigué et humilié sans doute de la nullité d’action à laquelle il s’était vu condamné depuis la formation du ministère coalisé, se préparait à en sortir par un coup d’éclat.

La situation des possessions britanniques dans l’Inde était alors une des principales difficultés du gouvernement. Ces possessions avaient pris, depuis vingt-cinq années, une étendue et une importance telles qu’elles avaient introduit dans l’organisation politique de la monarchie un élément nouveau et imprévu auquel ne pouvaient s’appliquer d’une manière efficace les règles et les maximes suffisantes pour un état de choses tout différent. Les pouvoirs qu’on avait pu jadis attribuer sans inconvénient à une compagnie de marchands sur quelques comptoirs établis au sein d’un grand empire étranger étaient devenus une monstrueuse anomalie depuis que ces comptoirs avaient absorbé l’empire lui-même. Cette souveraineté de nouvelle espèce, toujours exercée dans un but commercial, avec d’étroites et exclusives préoccupations de lucre immédiat, avait produit la plus bizarre et la plus insupportable tyrannie. On avait vu les gouverneurs, nommés par la compagnie et empressés de gagner sa faveur en lui procurant d’immenses bénéfices auxquels, d’ailleurs, ils prenaient une large part, se précipiter dans une suite de guerres iniques, d’actes d’oppression, de perfidies, de spoliations, qui rappelaient les époques les plus honteuses du proconsulat romain. La ruine de vastes contrées naguère florissantes, la destruction de puissantes dynasties dont la richesse avait excité la convoitise de ces avides gouverneurs, n’étaient pas les seules conséquences funestes d’un aussi odieux système. Plus d’une fois, l’excès de l’iniquité et de la violence, poussant à bout des populations d’ordinaire si pacifiques et si dociles, avait suscité au gouvernement anglais de graves embarras et compromis sa politique. En Angleterre même, les prodigieuses fortunes rapportées de l’Inde par les aventuriers qui les avaient accumulées en peu d’années en foulant aux pieds toutes les lois de l’humanité et de la justice, commençaient à jeter une déplorable perturbation dans les existences et les relations sociales, à menacer d’une concurrence redoutable l’aristocratie territoriale jusqu’alors souveraine, à exercer même sur les élections une influence dont les progrès eussent dénaturé la constitution du pays. Déjà, à plusieurs reprises, le parlement s’était efforcé d’arrêter le mal en apportant certaines limites à l’autorité de la compagnie des Indes et de ses délégués ; mais ces faibles palliatifs avaient échoué contre l’opiniâtre résistance d’intérêts puissans et tenaces, auxquels la distance donnait tant de facilités pour dissimuler le véritable état