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La première lecture des deux bills avait déjà eu lieu à la chambre haute, où elle avait amené de vifs débats. On allait procéder à la seconde épreuve, qui est ordinairement décisive. Le roi se détermina à une démarche tellement extraordinaire, qu’elle eût à peine pu s’expliquer par l’imminence du péril le plus extrême. Lord Temple lui-même fut chargé de dire aux lords sur qui il croirait pouvoir exercer de l’influence que le roi considérerait comme son ennemi quiconque voterait en faveur de la mesure proposée par le cabinet. L’effet de cette menace fut prompt et complet. Le 15 décembre, les deux bills furent rejetés à la majorité de 87 voix contre 79.

Ce coup inattendu jeta dans la plus vive irritation les ministres et leurs partisans. Le soir du même jour, à la chambre des communes, un député appelé Baker proposa de déclarer que le fait de rapporter une opinion ou une prétendue opinion du roi, au sujet d’un bill ou de toute autre question pendante, devant une des chambres du parlement, dans la vue d’exercer quelque influence sur ses délibérations, était un crime, un attentat à l’honneur de la couronne, une atteinte à la liberté, aux privilèges du parlement, et un acte subversif de la constitution. Pitt prit la parole pour défendre son cousin si directement attaqué. Il essaya, d’établir que les pairs avaient, individuellement aussi bien que collectivement, le droit de conseiller le roi, que d’ailleurs un bruit public, une simple rumeur dont rien ne garantissait l’exactitude, ne pouvait devenir la base d’une délibération parlementaire, que la proposition n’avait ni fondement ni objet déterminé, qu’on se préoccupait sans nécessité des embarras dans lesquels les ministres pouvaient se trouver placés si le roi écoutait d’autres conseils que les leurs, puisqu’évidemment leur devoir était de se retirer le jour où ils ne pouvaient plus répondre des résolutions de la couronne. En dépit de ces objections plus ou moins péremptoires, la chambre, irritée, vota, à 73 voix de majorité, la motion de Baker. Elle décida ensuite, à la demande des ministres eux-mêmes, qu’elle se formerait peu de jours après en comité général pour prendre en considération l’état du pays. Enfin un autre député du parti de Fox, Erskine, fit décider qu’il était nécessaire pour les intérêts les plus essentiels du royaume, qu’il était particulièrement du devoir de la chambre de poursuivre avec une infatigable persévérance la recherche des remèdes à apporter aux vices de l’administration de l’Inde, et que la chambre considérerait comme un ennemi du pays quiconque oserait conseiller au roi d’empêcher ou d’interrompre l’accomplissement de ce devoir. Vainement plusieurs membres essayèrent de faire écarter