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de l’esprit public, il se félicita de ce que l’épreuve du temps eût été favorable au cabinet dans le pays, et peut-être même dans la chambre. Il protesta contre l’accusation qu’on lui jetait sans cesse de vouloir à tout prix conserver sa position officielle. Il n’y tenait, dit-il, que dans des vues d’intérêt public, il était prêt à la quitter dès que cet intérêt l’exigerait ; mais il craindrait, en se retirant avant qu’une combinaison nouvelle eût été préparée pour le remplacer, de donner lieu, comme l’année précédente, à un de ces longs interrègnes ministériels dont les résultats sont toujours si déplorables. Peu de jours après, répondant encore à de violentes invectives de Fox, il défendit de nouveau le libre exercice des prérogatives de la couronne, invita ses adversaires à sortir enfin des banales déclamations, à préciser des griefs, à demander par une adresse le renvoi du ministère, et répéta que les injures seraient impuissantes à le faire dévier de sa ligne de conduite.

Pitt avait laissé à entendre qu’il pourrait consentir à faire partie d’un ministère de coalition. C’était la pensée favorite d’un assez grand nombre de députés, pour la plupart propriétaires campagnards, d’un esprit plus honnête qu’éclairé, attachés sincèrement à la constitution, fort effrayés, dans l’intérêt de l’ordre et du bien général, de la violence de la lutte, et profondément affligés des dissentimens survenus entre des hommes qui possédaient à un degré presque égal leur admiration et leur estime. Ils désiraient vivement les réconcilier, et se faisaient illusion sur les obstacles qui rendaient désormais cette réconciliation impossible, sur l’incompatibilité absolue des caractères, des amours-propres, des ambitions. Rassemblés en comité, au nombre de plus de cinquante, dans la taverne de Saint-Alban, dont le nom servit à désigner ce tiers-parti pendant sa courte existence, ils firent exprimer, d’une part à Pitt, de l’autre au duc de Portland, chef titulaire du cabinet dont Fox avait été l’ame, les vœux qu’ils formaient pour que les chefs des deux partis se réunissent dans une même administration. Pitt leur répondit qu’il s’y prêterait volontiers, pourvu qu’il pût le faire sans manquer aux principes et à l’honneur. Ce langage prudent n’excluait rien, mais aussi n’engageait à rien. La réponse du duc de Portland fut plus hautaine et moins habile. « Il serait heureux, dit-il, d’obéir aux ordres d’une assemblée aussi respectable ; mais il y voyait une difficulté très grande pour lui-même, plus grande encore sans doute pour M. Pitt : cette difficulté, c’était le fait du maintien de M. Pitt dans sa position actuelle. » En d’autres termes, on voulait que le chef