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droits de la chambre, mais en ajoutant que ces droits ne pouvaient aller jusqu’à anéantir la prérogative royale, comme cela aurait lieu si le monarque était obligé de se séparer de ses ministres, par la seule raison qu’ils déplairaient au parti dominant, et sans qu’on eût pu produire contre eux aucun chef d’accusation. La nouvelle adresse ne passa qu’à 12 voix de majorité. Le roi y répondit encore par un refus motivé en termes très modérés.

L’opposition, avec ses forces décroissantes, ne pouvait plus espérer la victoire. Elle voulut dissimuler par un dernier effort l’humiliation de sa défaite. Elle vota, après trois jours de débats, une prolixe remontrance conçue dans le même sens que les précédentes. On y exprimait le regret de ce que le roi, au lieu de suivre les glorieux exemples de la maison de Brunswick, semblait prendre pour modèles ceux des anciens rois qui écoutaient les inspirations de leurs favoris plutôt que les conseils du parlement. On y faisait remarquer que la chambre aurait pu, suivant l’usage antique, refuser les subsides jusqu’à ce qu’on eût fait droit à ses griefs, mais on annonçait qu’elle s’en abstiendrait à raison des circonstances.

La majorité, sans cesse réduite par la défection de quelques-uns des partisans de lord North qui se ralliaient à la cause du pouvoir, n’avait plus été cette fois que d’une seule voix. Une telle victoire fut considérée comme une défaite, et elle mit fin à la lutte. Le bill annuel pour le maintien de la force armée, les différens bills de subsides dont on avait jusqu’alors différé le vote, furent adoptés sans contradiction. Les membres de l’opposition, craignant plus que jamais d’être renvoyés devant leurs commettans, mais n’étant plus en état de tenter un effort décisif pour détourner cette mesure, s’efforcèrent cependant d’amener Pitt à s’expliquer sur ses intentions. Certain désormais du succès, Pitt se sentait assez fort pour n’opposer aux sarcasmes, aux invectives, aux torrens d’injures et d’ironie dont on cherchait à l’accabler, qu’un silence inflexible et menaçant.

Tout était prêt enfin pour le dénouement qu’on prévoyait depuis long-temps. Le 24 mars 1784, une séance royale eut lieu pour proroger la session, et le lendemain parut la proclamation qui dissolvait la chambre des communes. Les élections qui suivirent cette dissolution donnèrent au roi et à son ministère une complète victoire, une victoire telle que les annales parlementaires en offrent peu d’exemples. Malgré tous les efforts des whigs, cent soixante de leurs représentans furent remplacés par des amis de l’administration.

Ainsi se termina cette lutte mémorable dont l’issue devait avoir une