Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’accorder un droit qui serait une concession religieuse tout-à-fait décisive.

Il est triste à dire, mais il est certain que jamais époque ne fut moins chevaleresque que celle où nous vivons, et c’est folie que de rêver maintenant le rétablissement d’une institution pareille à celle des chevaliers de Malte. Le monde s’est renouvelé, les Barbaresques se civilisent, les forbans ont disparu, l’ordre qui les réprimait n’aurait plus de but. Il faut renoncer à voir se relever jamais une institution qui avait cependant entre autres avantages celui d’offrir aux cadets des familles une carrière active et profitable qui complétait mieux leur éducation, j’imagine, que la vie oisive et dangereuse des garnisons. Toutefois le principe qui donna naissance aux ordres hospitaliers subsiste toujours, et peut-être pourrait-il être mis encore en pratique avec succès et utilité ; tout le monde sait combien est triste, en temps de guerre, le spectacle des hôpitaux militaires et de quels désordres ils sont journellement le théâtre. Par respect pour l’humanité, il faut taire certains épisodes des guerres de l’empire et arracher aussi quelques pages aux annales contemporaines de nos ambulances. Disons seulement que la crainte la plus poignante qui assiège le soldat à la veille d’une affaire est assurément la peur d’être pansé à la hâte, en cas de blessure, ou oublié, estropié peut-être et vivant encore, sur le champ de bataille. Si au contraire il était assuré d’être recueilli et soigné par une main amie, quelle confiance ne lui donnerait pas cette certitude ! Nous pouvons nous appuyer ici du témoignage d’un homme bien compétent en ces matières. Voici comment M. le duc de Raguse s’exprime à ce sujet dans un ouvrage tout récent[1]. « Peut-être faudrait-il essayer de changer l’esprit de l’administration des hôpitaux, chercher un mode de récompense plus noble que l’intérêt pécuniaire… Si les fonctions de ceux qui administrent des soins aux malades et aux blessés étaient relevées, ennoblies et récompensées par les jouissances que donnent l’exercice de la charité et le sentiment de la piété, il en résulterait assurément un grand bienfait pour ceux qui souffrent. Le moyen d’y parvenir serait de laisser à un corps religieux, qui ne fût pas étranger aux fonctions subalternes de la chirurgie et de la médecine, le soin des hôpitaux militaires. »

Après avoir émis cette idée, le maréchal en recherche aussitôt l’application possible. Il indique dans quelle situation on devrait placer

  1. Esprit des institutions militaires. 1845.