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somme de 57,954,625 fr. Une autre série d’emprunts a eu pour causes des circonstances désastreuses, comme la dépense des invasions de 1814 et 1815, la disette qui en a été la suite, et la commotion de 1830. Le croirait-on ? Paris, après trente ans, souffre encore du contre-coup de Waterloo ! L’orgie des vainqueurs n’est pas encore payée ! C’est que la charge fut vraiment accablante. Pendant la seconde occupation, il fallut nourrir et loger plus de 300,000 hommes dont l’insolent orgueil se traduisait en demandes de toutes sortes. Pour épargner autant que possible aux habitans le contact des étrangers, il fallut improviser des casernes, des campemens, les meubler, organiser des services de transports pour les vivres et les fourrages, multiplier les hôpitaux, non-seulement pour les étrangers, mais pour une quantité extraordinaire de femmes qui cherchaient dans les malheurs du pays une occasion de débauche. Aux princes, aux personnages qu’on crut devoir ménager, on prépara des hôtels particuliers, avec un service de luxe pour la table, un carrosse et une domesticité nombreuse ; les moindres chefs daignèrent se contenter de recevoir des bons, au moyen desquels ils trouvaient gratuitement chez les restaurateurs des repas d’un prix proportionné à leurs grades. Quatre mois et dix jours de ce régime (du 5 juillet au 15 novembre 1815) coûtèrent aux Parisiens 44,689,870 fr. En résumé, si l’on totalise les emprunts de toutes sortes faits par la commune de Paris depuis sa réorganisation, on trouve le chiffre de 173,719,729. Plus des trois quarts de cette somme ont été amortis, et présentement la ville ne doit plus en capital que 38, 922,529 fr., dont moitié aux hospices. Une somme de 4,600,000 fr. affectée chaque année à la dette municipale combine le service des arrérages et l’amortissement de telle sorte, que si des circonstances imprévues ne provoquent pas de nouvelles anticipations, la ville sera complètement libérée en 1874, dans trente ans.

En vertu d’une loi rendue le 28 avril 1816, l’état prélève un dixième du produit net des octrois dans toutes les communes où cet impôt est établi. Conçue à une époque où la France vaincue avait à solder une énorme contribution de guerre, cette loi présentait alors l’excuse de la nécessité. Aujourd’hui, elle soulève de nombreuses réclamations : en effet, il semble étrange d’établir un impôt, non pas sur un revenu, mais sur un sacrifice que des citoyens s’infligent volontairement dans l’intérêt de leur propre localité. Plusieurs pétitions présentées à la chambre des députés vont provoquer incessamment un débat public à ce sujet. En attendant, le gouvernement encaisse un tribut qui lui vaut, pour toute la France, 6 à 7 millions par année.