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affaires de l’Inde : malgré les négociations pacifiques, il armait toujours ; mais, tout en armant, il protestait à la cour de France qu’elle ne devait en prendre aucun ombrage. « Il n’y avait rien là qui dût l’inquiéter, bien au contraire ; elle devait même en savoir gré au gouvernement britannique. La compagnie anglaise demandait qu’on renforçât la station, uniquement pour protéger son commerce contre les pirates ; la France elle-même tirerait avantage de ce surcroît de forces ; tout était donc profit pour elle dans les armemens de l’Angleterre[1]. Cette cordialité ironique produisit immédiatement son effet : le cabinet français prit peur ; des ordres contraires aux premiers furent envoyés en toute hâte à Dupleix. On se rappelle qu’au moment même où il était enjoint par le ministère à La Bourdonnais de ne conserver aucune conquête, Dupleix avait reçu l’ordre de garder Madras, d’en détruire les fortifications, et d’en faire ensuite un échange avantageux avec Anaverdykan, nabab de Karnatik. Maintenant tout était changé ; Dupleix ne devait plus traiter avec le nabab ; il devait garder Madras, mais pour le rendre aux Anglais, sans attendre même que ceux-ci nous eussent restitué les places ou pays qu’ils auraient conquis sur nous[2]. Pour plus de célérité, ces nouvelles dépêches furent expédiées à Pondichéry par la voie de Constantinople, Alep et Bassora. L’ordre de rendre Madras avait accablé Dupleix, et certes, il n’en fut pas consolé par le titre de marquis qu’une ordonnance royale lui concéda, ainsi qu’à sa famille, même dans la ligne collatérale à défaut de descendans directs[3].

Dans une déclaration : du 8 juillet 1748, signée à Aix-la-Chapelle par les plénipotentiaires de la France, de la Grande-Bretagne et de la Hollande, il avait été convenu que les conquêtes faites dans les Indes occidentales avant ou depuis le 30 avril seraient rendues dans l’état où elles se trouveraient au 31 octobre. Par le traité définitif, toutes les conquêtes faites dans les Indes pendant la guerre furent réciproquement restituées ; on y ajouta même, par l’article 9, qu’elles seraient remises sur le pied qu’elles étaient ou devaient être avant la première guerre[4]. Cette rédaction louche et barbare semblait appeler de nouvelles contestations qui ne tardèrent pas à naître en effet,

  1. Bedfort à Sandwich, 15 juillet 1748.
  2. Machault à Dupleix, 12 mai 1748 (dépêche chiffrée).
  3. M. Ferdinand Dupleix de Mézy est actuellement le seul héritier du titre et du nom du marquis Dupleix, son grand-oncle.
  4. Schœll, Traités de Paix, t. II, p.321.