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leur appartenait pendant les guerres de l’empire, et, quant aux navires à vapeur, l’avantage ne paraît point être de notre côté. La marche du navire, ne l’oublions pas, est la condition essentielle d’une marine exposée à trouver toujours l’ennemi en nombre ; or, cette marche ne dépend point d’une seule donnée, et la plus importante de toutes, la forme de la carène, ne suffit point à l’établir. Avec des constructions bien inférieures, les Anglais n’en sont pas moins parvenus, pendant la dernière guerre, à observer nos escadres avec impunité et à atteindre nos meilleurs croiseurs. C’est que la distribution des poids, la coupe des voiles, l’application du doublage en cuivre, sont autant d’élémens de vitesse qui ont une immense importance, et que les Anglais excellent à s’assurer. Il en est de même pour les navires à vapeur, où la parfaite régularité du jeu de la machine contribue, au moins autant que la forme de la carène, à produire une marche avantageuse.

La vitesse du navire étant admise comme un des gages les plus certains de ses succès, et cette vitesse, résultat de tant d’élémens divers, étant si peu inhérente au système de construction adopté que le même bâtiment voit souvent varier sa marche d’une campagne à l’autre, il y aurait imprudence à nous reposer entièrement à cet égard sur la grande habileté et la haute réputation de nos ingénieurs-constructeurs. Il s’agit ici d’un intérêt trop grave pour que nous puissions nous contenter d’une demi-conviction. Tout navire à voiles ou à vapeur, qu’il en fût à son début ou à son vingtième armement, devrait ; en sortant du port, être appelé à faire ses preuves de vitesse devant une commission qui pût le comparer à un bâtiment de la flotte dont les qualités seraient incontestables. Ces expériences seraient d’autant plus nécessaires, qu’il est peu de nos navires sur la marche desquels nous ayons de ces idées arrêtées qu’il serait urgent de substituer à de vagues réputations.

Dans la marine française, qu’il s’agisse de matériel ou de personnel, on est certain de trouver tout ce qui touche à la partie militaire du métier plus avancé et mieux compris que la partie purement maritime. En Angleterre, au contraire, c’est précisément ce dernier côté de la question qui attire et séduit tous les esprits. Les avantages et les inconvéniens des divers modes de construction y sont discutés et appréciés. Les systèmes rivaux de sir William Symouds et de sir Robert Seppings sont mis en présence au milieu du golfe de Gascogne, comme des chevaux de course sur le turf. La lutte dure souvent près de quinze ou vingt jours, sous les yeux d’un bâtiment chargé de remplir l’office de juge du camp, et, chose remarquable, c’est à la barre de la