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moyen d’un fonds d’amortissement organisé sur d’autres principes que ceux qui avaient régi jusqu’alors les établissemens de cette nature. D’après le plan qu’il soumit à la chambre, une somme d’un million sterling, formée principalement de l’excédant du revenu et complétée par quelques taxes nouvelles de peu d’importance, devait être dès ce moment consacrée chaque année à l’extinction de la dette. Ce million, accru successivement par les intérêts accumulés de la dette rachetée et par le produit de l’extinction de quelques charges annuelles, devait, au bout de vingt-huit années, s’élever à 4 millions. Il aurait, à cette époque, absorbé 100 millions de la dette. On aurait alors à décider s’il convenait de continuer à en cumuler les intérêts. Pour empêcher que, comme cela avait eu lieu plusieurs fois, on ne détournât à d’autres usages le fonds d’amortissement, l’administration en était confiée à une commission présidée par l’orateur de la chambre des communes et composée d’hommes placés dans les positions officielles les plus considérables, tels que le chancelier de l’échiquier, le maître des rôles, le gouverneur et le sous-gouverneur de la banque.

Fox, Sheridan et d’autres membres de l’opposition, tout en approuvant l’ensemble de ce projet, contestèrent l’exactitude de quelques-uns des calculs présentés pour lui servir de base. On attaqua aussi le principe de l’inaliénabilité absolue du fonds d’amortissement comme pouvant créer pour l’état des embarras sérieux et même des dangers. Fox ayant proposé d’autoriser les commissaires de l’amortissement à placer, dans les emprunts qui viendraient à être contractés, les fonds qu’ils auraient en caisse, Pitt s’empressa d’accepter l’amendement. Dès-lors, le bill ne rencontra plus de difficultés sérieuses, et l’on entendit les deux illustres rivaux se féliciter de leur heureux accord dans une question d’un intérêt aussi vital pour le pays. A la chambre des lords, le projet trouva encore moins de résistance.

L’opinion publique s’est grandement modifiée sur cette conception accueillie alors avec une sorte d’enthousiasme. Aujourd’hui que, par un de ces reviremens si fréquens dans l’histoire de l’esprit humain, les théories de l’amortissement ont perdu leur ancien prestige, on parle volontiers de la combinaison de Pitt comme d’une véritable fantasmagorie, on démontre mathématiquement ce qu’elle avait d’illusoire. Pour qu’une telle démonstration fût péremptoire, il faudrait qu’on pût aussi tenir compte de l’impulsion que cette combinaison a donnée au crédit en augmentant la confiance publique, et des conséquences matérielles de cette cause morale. Ce qui est certain, c’est qu’aussi long-temps que la paix fut maintenue, l’action de l’amortissement,