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diverses, qui avaient entre autres inconvéniens celui d’embarrasser le, commerce, de l’exposer à de fâcheuses méprises, et de jeter dans ses opérations une grande incertitude. La sagesse de cette innovation était si évidente, les détails en étaient combinés avec tant d’habileté, et Pitt les exposa avec une si merveilleuse clarté, qu’elle fut accueillie par une sorte d’acclamation. Burke et Fox, non contens de se désister, pour cette fois, de leur opposition systématique, félicitèrent le chancelier de l’échiquier d’une réforme aussi nécessaire et aussi heureusement accomplie.

La chambre eut ensuite à s’occuper d’une proposition qui, en maintenant les dispositions légales par lesquelles le pouvoir politique était interdit aux catholiques comme aux membres des religions non chrétiennes, tendait à relever les protestans dissidens des incapacités que l’acte du test et celui des corporations faisaient encore peser sur eux. Lord North, que son état de cécité éloignait depuis quelques années du parlement, y reparut pour combattre ce qu’il regardait comme une attaque dirigée contre la pierre angulaire de la constitution. Il se déclara pourtant partisan de la tolérance, mais il prétendit qu’elle n’avait rien de commun avec l’admission aux emplois, et que l’exclusion résultant d’une croyance religieuse n’était pas plus une peine infligée aux dissidens que l’exclusion résultant de l’insuffisance du cens n’en était une pour ceux qu’elle atteignait. Pitt, avec un peu plus de ménagemens, avec des réserves même qui indiquaient une conviction moins arrêtée, appuya ces déplorables sophismes, et, malgré les efforts de Fox, il entraîna la grande majorité des suffrages. Il cédait, en cette occasion, à la volonté du roi, dont l’esprit étroit et rempli de préjugés fut constamment aussi opposé aux extensions de la liberté religieuse qu’à celles de la liberté politique.

Cette nécessité de ménager les préventions opiniâtres d’un prince trop souvent dominé par ses préoccupations et ses rancunes personnelles plaça bientôt après le ministère dans une situation délicate et difficile. Le prince de Galles, alors âgé de vingt-cinq ans, était déjà entré dans la voie où avaient marché avant lui tous les princes de la maison de Brunswick ; il s’était mis, à l’égard du roi, dans un état d’antagonisme direct qu’expliquait d’ailleurs la différence absolue de leurs caractères et de leurs goûts. Jeune, beau, brillant, livré avec excès aux dissipations et aux plaisirs de son âge, il n’avait pu manquer d’encourir le mécontentement d’un père dont l’ordre, l’économie, les vertus de famille, étaient les qualités dominantes. Ce mécontentement était devenu une haine véritable lorsque le monarque, si jaloux de son