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circonstance. Cette unanimité se reproduisit dans les débats auxquels les chambres se livrèrent pour la rédaction de leurs adresses. Fox, entraîné par son patriotisme, loua vivement l’habile fermeté dont le gouvernement venait de faire preuve ; il lui recommanda de marcher constamment dans cette voie, de ne pas oublier que l’Angleterre a un intérêt permanent dans le règlement des grandes questions continentales, et qu’elle doit constamment veiller au maintien de l’équilibre européen ; il s’étendit longuement, violemment, sur ce qu’il appelait la perfidie de la France, rappelant qu’il l’avait bien souvent signalée lorsque les ministres croyaient encore pouvoir répondre de la bonne foi et des intentions amicales du cabinet de Versailles ; il insulta à l’humiliation de ce cabinet, et se plut à faire ressortir les contradictions de son langage. Un autre membre de l’opposition, applaudissant aussi à la conduite du ministère, manifesta cependant le regret qu’il n’eût pas profité de la fausse position où la France s’était placée pour exiger la destruction des travaux de Cherbourg, dont s’inquiétait la jalousie maritime de l’Angleterre. Pitt exprima en termes convenables la joie qu’il éprouvait de l’approbation donnée par Fox à ses derniers actes ; mais, en homme vraiment pratique, il écarta les principes trop généraux sur lesquels ce dernier avait établi son assentiment, et, satisfait de sa victoire, il s’attacha avec assez de bonne grace à présenter le rôle joué par la France dans les négociations qui venaient de se terminer sous l’aspect le moins offensant pour la dignité du cabinet de Versailles.

Tout réussissait à Pitt. La situation financière s’améliorait avec une rapidité vraiment merveilleuse. En traçant l’exposé de cette situation devant la chambre des communes, Pitt put se glorifier d’avoir, en quatre années, non-seulement rétabli l’équilibre dans le budget, mais diminué la dette publique de 2 millions de livres sterling et employé 7 millions à la construction ou à la réparation de trente vaisseaux et de trente-trois frégates. Dans le cours de la session, il fut encore en mesure de proposer au parlement un grand acte de justice et de générosité nationale : de larges indemnités furent allouées à tous ceux des habitans des anciennes colonies américaines qui, pour leur attachement à la métropole, avaient encouru la perte de leurs propriétés ou s’étaient vus exposés à des dommages de toute autre nature.

Cette même session fut signalée par l’ouverture d’une question immense, celle de l’abolition de la traite des noirs. Il y avait bien peu de temps alors que l’esprit de philanthropie avait commencé à s’en préoccuper. Naguère encore l’achat et le transport des esclaves africains