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cette personne devait être le prince de Galles, qu’il convenait de lui laisser exercer sans contrôle, et avec des serviteurs librement choisis par lui, la portion de l’autorité royale dont il serait investi, enfin que cette portion devait comprendre toutes les facultés nécessaires pour protéger efficacement la sûreté et les intérêts du pays, mais qu’il fallait en distraire celles qui, n’étant pas indispensables à cet effet, pourraient, par les actes qu’elles autoriseraient, préparer des embarras à l’exercice de l’autorité légitime du roi le jour où il serait en état de la reprendre. Vainement Fox insista pour qu’on laissât à l’écart le point de droit, et qu’on entrât, sans plus de retard, dans le côté pratique de la question. Sheridan, entraîné par son zèle, ayant fait entendre, d’un ton de menace, que si le prince était poussé à bout, il pourrait se croire obligé d’élever directement une réclamation dont il s’était jusqu’alors abstenu, Pitt s’écria qu’en présence d’une telle insinuation, et les droits du parlement étant ainsi attaqués, le principe de ces droits devait nécessairement être établi par un débat solennel.

Pendant le peu de jours qui s’écoulèrent entre cette discussion préparatoire et la lecture des propositions dont Pitt avait d’avance indiqué la portée, il y eut un grand mouvement parmi les hommes politiques. Le prince de Galles écrivit au chancelier pour se plaindre de la conduite du premier ministre, qui ne lui avait encore donné aucune communication du projet sur lequel le parlement allait être appelé à délibérer. Pitt répondit directement au prince que ce projet n’était pas encore arrêté dans tous ses détails. L’opposition, cependant, ne négligeait rien pour augmenter le nombre de ses adhérens. Dans le sein même de la famille royale, le prince de Galles n’était pas le seul qu’elle comptât. Si la reine, fidèle à la direction habituelle de ses opinions, à des intérêts personnels que nous expliquerons bientôt, appuyait, autant que le lui permettait sa position, la politique ministérielle, les fils cadets du roi se déclaraient ouvertement en faveur de leur frère aîné, et, dans la chambre des lords, ils secondèrent de tous leurs efforts une motion faite avec aussi peu de succès qu’à la chambre des communes pour hâter le moment où il pourrait entrer en possession de la régence. Dans le ministère même, les partisans du prince essayèrent de se ménager des intelligences. Son confident intime, Sheridan, entra en négociation avec le chancelier, et crut un moment être parvenu à le séparer de ses collègues, soit que lord Thurlow lui eût tendu un piège, soit que cet homme ambitieux eût en effet cédé à la tentation de se ménager, sous un gouvernement