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s’était beaucoup amélioré et qu’on était fondé à espérer une prompte guérison. La délibération fut aussitôt interrompue, et les choses restèrent en suspens pendant près de vingt jours.

Tandis que le parlement britannique était agité par ces vives discussions, il se passait en Irlande des évènemens qui démontraient d’une manière frappante les dangers de l’union incomplète établie entre deux pays soumis à un seul gouvernement, mais régis par des législatures indépendantes. Malgré les efforts du vice-roi, l’opposition, fortifiée par l’adhésion imprévue d’un certain nombre de fonctionnaires qui, dans ce moment de crise, s’étaient tournés vers le soleil levant, avait fait voter par les deux chambres des adresses qui invitaient le prince de Galles à prendre la régence avec tous les pouvoirs de la royauté sans aucune restriction. Sur le refus du vice-roi de transmettre ces adresses, des commissaires furent élus pour les porter à Londres et les déposer entre les mains du prince. Ce conflit entre les deux parlemens, dont l’effet devait être de placer sous un régime différent les deux parties de l’empire, faisait surgir une difficulté aussi grave qu’inattendue. Il est difficile de comprendre comment on en serait sorti. Heureusement, lorsque les commissaires irlandais arrivèrent à Londres, on ne doutait plus du prochain rétablissement du roi. Aussi le prince, en les remerciant du dévouement dont leurs commettans venaient de faire preuve pour le roi, pour sa famille et pour l’union des deux royaumes, crut-il devoir différer sa réponse formelle. Quelques jours après, la marche des évènemens avait emporté cette question presque insoluble.

Déjà le roi avait pu écrire à Pitt pour lui annoncer son retour à la santé. Le parlement, qui jusqu’alors n’avait siégé qu’en vertu de la nécessité, fut ouvert par une commission royale, et reçut les remerciemens du monarque pour les témoignages d’attachement qu’il venait de lui donner. Un service religieux eut lieu dans l’église de Saint-Paul, où le roi, entouré des deux chambres, rendit solennellement grace à Dieu de la fin de cette terrible épreuve. Ainsi se termina, au milieu des témoignages de la joie publique, une crise qui avait duré plus de quatre mois, et qui, après avoir mis dans un si grand danger le système politique établi en Angleterre depuis six années, eut pour résultat de l’affermir sur ses bases. Pitt avait grandi encore dans l’opinion par l’admirable fermeté dont il avait fait preuve en face d’un péril imminent.

Sans craindre de s’exposer au ressentiment du prince qui semblait sur le point d’arriver au pouvoir, complètement exempt de ces préoccupations personnelles qui, trop souvent, dans des conjonctures analogues,