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faiblesse, et une majorité de 248 voix contre 123 vota une adresse d’approbation. A la chambre des lords, le marquis de Lansdowne, celui-là même qui, sous le nom de lord Shelburne, protégé dans sa jeunesse par lord Chatham, avait à son tour protégé les commencemens de la carrière de Pitt, mais qui ne pouvait lui pardonner de s’être si complètement affranchi de son patronage, le marquis de Lansdowne, devenu l’un des chefs du parti qui combattait son ancien élève, reproduisit avec d’habiles développemens, mais sans plus de succès, les argumens que Fox n’avait pu faire triompher.

La guerre qui venait de s’allumer dans l’Inde offrait à l’opposition un champ de bataille plus favorable. Fox et ses amis purent soutenir avec raison qu’on avait saisi, pour ruiner Tippo-Saïb, un prétexte à peine spécieux, et que la richesse et la puissance de ce prince étaient ses véritables crimes aux yeux des conquérans de l’Inde. Francis proposa des résolutions qui avaient pour but d’obliger le gouvernement à mettre fin aux hostilités ; mais sa motion, combattue par Pitt et par Dundas, fut rejetée.

Une question constitutionnelle d’une grande importance s’offrait à la délibération du parlement. Il s’agissait de savoir si le procès d’Hastings, alors commencé devant la chambre des lords, pouvait continuer après la dissolution de la chambre des communes qui avait intenté l’accusation et l’avait poursuivie jusque-là par ses commissaires. Aucun précédent formel n’existait à cet égard. Les légistes, se fondant sur ces moyens de formes auxquels les habitudes judiciaires prêtent tant d’autorité, étaient généralement d’avis que, par l’effet de la dissolution, l’accusation non encore jugée avait été anéantie. Erskine lui-même, malgré les tendances libérales et élevées de son esprit, soutint fortement cette opinion. Burke, le grand adversaire d’Hastings, se prononça naturellement dans le sens opposé, et allégua surtout le danger de fournir au pouvoir exécutif un moyen assuré de faire tomber toute accusation politique qui lui déplairait en dissolvant la chambre accusatrice. Pitt, se plaçant au même point de vue, opposa aux arguties des légistes de hautes considérations puisées dans les principes même de la constitution, dans l’autorité des grands jurisconsultes, dans l’interprétation intelligente de précédens non pas identiques, mais analogues, enfin dans cette évidence du bon sens qui ne permettait pas de supposer que la loi eût été combinée de manière à donner au pouvoir la possibilité d’éluder l’action de la justice, soit en dérobant un coupable au châtiment de ses forfaits, soit en ajournant indéfiniment la justification d’un innocent