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cet égard quelques doutes, que probablement de nouvelles recherches dissiperont tout-à-fait, les probabilités sont désormais acquises à cette nouvelle opinion, et les nombreux documens compulsés patiemment à Beaumont par M. Taupiac établissent du moins que Fermat avait des propriétés considérables dans cette ville, qu’il s’y rendait souvent, qu’à plusieurs reprises il y présida le conseil de la commune, qu’il y fit baptiser ses enfans, et qu’il aimait à multiplier ses relations avec les habitans de ce pays. Ces documens font connaître bien des détails intimes, touchans, de la vie de Fermat. On aime à voir celui auquel Pascal, saisi d’admiration, écrivait : Je vous tiens pour le plus grand géomètre de toute l’Europe… vos enfans portent le nom du premier homme du monde, prendre la défense des pauvres habitans de Baumont, soutenir leurs privilèges et assister à leurs délibérations. Un jour, il rédige des remercîmens pour le prince de Conti, qui a donné l’ordre à une compagnie de chevau-légers de ne plus loger chez les habitans ; une autre fois, il prend soin d’expliquer à de pauvres paysans qui ne les comprenaient pas leurs vieilles coutumes écrites en latin. À notre avis, cette affectueuse sollicitude, qui honore et fait aimer un grand esprit, est un des plus solides argumens propres à démontrer que Fermat naquit à Beaumont.

Le caractère spécial des sciences exactes, c’est de s’agrandir et de se perfectionner sans cesse, soit par a découverte de vérités nouvelles, soit par l’invention de nouvelles méthodes ou par la généralisation de celles qui étaient déjà connues. Transmises successivement de peuple en peuple, les connaissances scientifiques des Grecs sont arrivées jusqu’à nous par l’intermédiaire des mahométans, qui en ont gardé le dépôt pendant que l’Europe était dans l’ignorance, et qui ne les ont rendues à l’Occident qu’enrichies de quelques vérités inconnues à leurs devanciers. Après le moyen-âge, le progrès des sciences a été si rapide en Europe, que les plus beaux théorèmes d’Archimède s’exposent aujourd’hui dans des cours élémentaires, et qu’actuellement un licencié ès-sciences est tenu d’en savoir plus sur l’analyse infinitésimale que n’en surent jamais Leibnitz et Newton. Les nouvelles méthodes ont produit des résultats bien extraordinaires ; elles ont pu en quelque sorte se substituer au génie et y suppléer.

Depuis deux siècles surtout, le progrès des mathématiques a été si rapide, que peu d’années ont suffi généralement pour ne laisser qu’un intérêt historique aux sublimes conceptions des plus illustres géomètres. Jamais la science n’est restée stationnaire ; jamais la perte d’un savant, quelque éminent qu’il fût, n’a pu arrêter ce progrès. Une