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sublime qui, t’empêchant de tomber au pouvoir des gnomes, te fit dédaigner les lieux inférieurs.

« Et lorsque le torrent du monde s’empara de vous, c’est encore moi qui choisis cette place où vous deviez vous surprendre l’un l’autre de vos mutuelles splendeurs.

« O vous, produits de deux principes contraires, vous qui, réunis par moi, semblez vous étonner de célébrer à l’unisson ma gloire !

« O vous, joyaux de ce collier, savez-vous qu’il est une autre chaîne où ce sont des étoiles et des planètes qui remplacent les pierres précieuses, et que je la tiens seul ?

« Et que je la déploie incessamment, cette chaîne, à laquelle sont suspendus pour perles et diamans des univers tous dérobés à l’écaille de la nature ?

« Et de même que je me réjouis à contempler les étoiles et les globes de feu, superbes ornemens de ma robe éternelle, et que j’ai soin que pas une paillette ne se détache de ses franges ;

« De même je m’intéresse au moindre de mes trésors, et je vous ai donnés pour parure à mon plus doux enfant.

« Et si vous semblez faits à ma gloire, c’est aussi à ma gloire que sont faits ces diamans et ces perles qui tremblent au calice de chaque fleur.

« Je ne vous tiens pas pour petits auprès des étoiles et des mondes ; mais à votre tour ne dédaignez pas les perles du jardin dont la sérénité limpide ne le cède en rien à la votre.

« D’un souffle je vous attirai à la vie, et d’un souffle je puis vous rendre pareils aux gouttes de rosée.

« Clartés superbes qui puisez votre lumière aux sources de la mienne, à peine daignez-vous jeter un regard sur cette cire qui veille là dans un flambeau.

« Et pourtant, si je l’ordonne ainsi, cette cire que j’ai, comme vous, allumée, va soudain vous éclipser de son éclat.

« Car l’étendue de ma puissance est infinie. Eh bien ! oui, je l’ordonne ; ô cire ! que ta flamme à son tour célèbre ma gloire,

« Et que ces joyaux illustres, ravis aux profondeurs de l’Océan, aux entrailles de la terre, apprennent que tu descends comme eux d’une même origine, et que le poète qui veille là, lui aussi, l’apprenne. »


À ces mots, un prodige nouveau s’accomplit ; le diamant et la perle semblent pâlir, tandis que la bougie brille tout à coup d’une lueur inusitée, et, de plus en plus rayonnante, se met à chanter sa céleste origine : deux gouttes tombent du firmament, l’une de lumière, l’autre d’eau, lesquelles fécondent un germe ; de ce germe naît une fleur, délices de la terre et du ciel, car l’amour habite en elle, une parcelle atomistique de cette flamme universelle dont le réservoir est