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par tous les moyens possibles le ministre qui les avait fait élire. Désespérant de se maintenir contre une telle assemblée, le nouveau cabinet crut devoir recourir à une épuration complète de la chambre, en faisant réviser toutes les élections. De son côté, Mavrocordato, qui, malgré toutes les haines accumulées sur sa tête, ne désespérait pas encore de se justifier, soulevait tous ses partisans : il lui fallait, à quelque prix que ce fût, rester membre du congrès, afin de pouvoir fasciner, par son entraînante éloquence, la Grèce, toujours éprise du génie. Ainsi, après avoir vu la chambre remettre successivement en question ses trois élections d’Athènes, de Kalavrita et d’Akrinion, il chercha et réussit à se faire élire une quatrième fois au collége de Karisto ; mais une quatrième commission d’enquête fut envoyée dans cette localité pour y scruter les votes suspects, et faire déclarer aux électeurs, sur la foi du serment, s’ils avaient ou non été influencés dans leur choix.

Coletti a fait preuve sans doute d’une profonde habileté dans le travail des épurations électorales ; il a poussé son impartialité apparente jusqu’à laisser, sans s’émouvoir, exclure du congrès plusieurs de ses amis les plus chers, qui n’avaient pas été légalement élus. Avouons-le toutefois, cette vérification des pouvoirs a prêté à plus d’un scandale. Enfin, après quatre mois d’enquêtes, Mavrocordato, qui avait fait tant d’efforts pour obtenir une chambre passivement dévouée à son système, se trouva ne plus avoir dans cette chambre de place pour lui-même. Des quatre nominations qu’il avait su gagner, celle due à l’université d’Athènes, la plus légale, la seule que les électeurs eussent maintenue jusqu’au bout, venait d’être annulée au congrès par le spécieux motif qu’un corps savant doit choisir, pour se faire représenter devant le pays, un homme de science et non pas un homme de parti. Quant à la dernière des candidatures de l’ex-ministre, celle de Karisto, elle ne devait pas, comme on le vit bientôt, tenir plus que les autres. Grace à ces enquêtes acharnées, le nombre des partisans de Mavrocordato au congrès se trouva bientôt réduit à une douzaine de députés sur 114.

Il était impossible que la discussion de l’adresse en réponse au discours du trône, faite sous de pareils auspices, ne déchaînât pas contre le cabinet déchu une tempête d’invectives. Seul le conciliant Coletti s’efforça de modérer ces emportemens, et il y serait peut-être parvenu, si Mavrocordato, au lieu de plier sous l’orage, n’eût préféré se raidir contre la colère nationale. Pouvant paraître au congrès comme député de la ville de Karisto, dont les votes n’avaient pas encore été suffisamment vérifiés, Mavrocordato monta, le 7 février 1844, à la tribune de son pays, pour y prononcer une longue harangue qui ne fut malheureusement que le panégyrique absolu et sans restriction de tous ses actes : après quoi, sans vouloir prêter l’oreille à aucune des réponses de ses antagonistes, il sortit dédaigneusement de l’assemblée. Cette conduite hautaine d’un accusé acheva de détruire tout sentiment de sympathie chez ses juges, qui ajoutèrent avec indignation dans leur adresse au roi le paragraphe suivant : « L’intervention illégale du ministère du 11 avril dans les élections, et tous les maux qui furent la conséquence de