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à exploiter, nous ne voyons pas trop pourquoi l’intérêt du trésor exige qu’on les abandonne à des compagnies. L’état ne pourrait-il pas trouver des capitaux aussi bien qu’elles ? Ensuite, qu’arrivera-t-il ? Dès qu’il s’agira d’une ligne dont les produits seront assurés, les compagnies se présenteront, et le gouvernement abdiquera en leur faveur : s’il s’agit d’une ligne peu productive, les compagnies reculeront, et l’état sera forcé d’entreprendre l’exécution à ses risques. Est-ce là, comme on dit, un système rationnel ? Ne serait-il pas plus juste que l’état, exposé à perdre d’un côté, conservât de l’autre tous ses avantages ? Ce sont là des vérités qui ont été redites mille fois. Elles sont à peine écoutées aujourd’hui ; n’en parlons plus. Au moins, puisque le système des concessions triomphe, entrons dans cette voie d’une manière sérieuse et efficace. En faisant un appel à l’esprit d’association, ne gênons pas son essor. Ne lui faisons pas une part de bénéfices trop chétive et trop restreinte dans ces entreprises immenses où il va s’aventurer sur la foi du gouvernement et des chambres. Soyons conséquens avec nous-mêmes. Nous voulons des compagnies ; que ce soient des compagnies puissantes, formées avec des capitaux sérieux, qui mènent à bonne fin leurs entreprises, et qui donnent des dividendes à leurs actionnaires. Pour avoir des capitaux sérieux, il faut leur offrir des profits légitimes. Pour les attirer dans ces vastes spéculations où l’imprévu, le hasard, l’inexpérience, les fausses combinaisons, peuvent amener des chances si désastreuses, il faut leur présenter un attrait suffisant. Sur ce point, nous sommes d’accord avec le gouvernement, et nous croyons que les adversaires du projet de loi sur le chemin de fer du Nord ont fait fausse route.

La commission du budget a eu de longues conférences avec plusieurs ministres. Quoique favorablement disposée pour le cabinet, on assure qu’elle sera sévère, et que le rapport de M. Bignon révélera des faits importans. Un des points les plus débattus a été le budget de la marine. La commission est unanime pour blâmer l’administration actuelle de ce département. Les désordres de la comptabilité, les abus commis dans les ports, le mauvais emploi du matériel, la situation de la flotte, qui dépérit tous les ans malgré les dépenses croissantes du pays, tout appelle une réforme. La commission réclame une meilleure distribution des services et l’organisation d’un contrôle fortement institué. Dominé par des intérêts de corps et par des préjugés enracinés dans les bureaux, le ministre résiste. Cette résistance, si elle se prolongeait, pourrait devenir dangereuse pour lui. La commission elle-même, dès à présent, paraît disposée à blâmer directement M. de Mackau, s’il repousse toute idée de réforme, et à exprimer ce blâme par un refus de crédit. Cette résolution, dont l’initiative serait prise par des membres du parti conservateur, ne serait pas sans gravité dans la situation présente du cabinet. Du reste, si M. de Mackau est pressé vivement, on peut s’attendre qu’il cèdera ; mais quel espoir pourra-t-on fonder sur des engagemens qu’il aura pris par nécessité, et sous la menace d’un blâme parlementaire ? Pour exécuter