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peuple, associés pour obtenir le suffrage universel et les parlemens annuels, et se donna une organisation modelée sur celle de la convention française. Le gouvernement ne crut pas devoir tolérer cette manifestation factieuse. La prétendue convention fut dissoute, et ses principaux membres condamnés à la déportation.

C’est au milieu de ces circonstances si peu encourageantes que le parlement ouvrit sa session annuelle le 27 janvier 1794. Comme la précédente, comme celles qui la suivirent, cette session fut presque uniquement employée à discuter la question de la guerre contre la France et les moyens de la soutenir. La position des partis n’avait pas changé ; la tendance de leur polémique, les argumens qui en faisaient le fond, étaient toujours les mêmes. L’opposition ne cessait de demander qu’on ouvrît des négociations pour la paix, et qu’on s’abstînt d’intervenir dans le régime intérieur de la France. Elle prétendait prouver que la France n’avait pas provoqué les hostilités, et que la provocation était le fait de l’Angleterre et de ses alliés. Sans oser justifier l’épouvantable système qui couvrait le territoire français de ruines et d’échafauds, elle essayait d’en reporter la responsabilité sur les excès du despotisme antérieur et aussi sur l’injuste agression des puissances, qui avaient poussé la convention à tous les excès du désespoir. Quelquefois même, de ce que le comité de salut public exerçait depuis quelque temps déjà son terrible despotisme, de ce que sa volonté ne rencontrait plus d’obstacles, l’opposition se hasardait à conclure que le gouvernement républicain devait nécessairement jouir de quelque popularité, et qu’il offrait assez de gages de durée pour qu’on pût traiter avec lui comme avec un pouvoir capable de maintenir ses engagemens. Pour démontrer la nécessité de rompre la coalition dans laquelle l’Angleterre se trouvait engagée, elle signalait la politique égoïste, étroite, malhabile des cours alliées, leur manque de foi, leurs défiances réciproques, les revers qui en étaient résultés. En réponse à ces vives attaques, Pitt rappelait tous les faits qu’il avait déjà si souvent allégués pour rejeter sur la France le tort de la provocation. Il ne dissimulait pas que, dans son opinion, la paix avec la France serait plus funeste qu’une guerre désastreuse tant que durerait l’affreux système auquel elle était soumise. Il avouait que la restauration de la monarchie française se présentait à lui comme le meilleur moyen de rétablir la tranquillité de l’Europe et d’affermir l’ordre social ; mais trop prudent pour se lier à une combinaison absolue en présence des chances incertaines de l’avenir, il se hâtait d’ajouter que le renversement de la faction jacobine, sans lequel tout arrangement