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personnelle, commencèrent à s’organiser en associations qui prirent le nom d'Orangistes. Des collisions presque journalières, des meurtres, des violences de toute espèce, montrèrent l’Irlande séparée en deux camps ennemis et livrée à une affreuse anarchie. On put prévoir dès-lors les calamités qui devaient bientôt l’assaillir.

Si l’on a peine à croire que lord Fitzwillam ait agi sciemment contre les intentions du gouvernement dont il était le représentant, il est également difficile de comprendre que ce gouvernement ait pu le désavouer après avoir autorisé sa conduite. Suivant toute apparence, dans la crainte de ne pas se trouver d’accord, on avait évité de s’expliquer d’avance avec précision par rapport à des hypothèses qui pouvaient ne pas se réaliser, et on se trouva pris au dépourvu par des circonstances qu’on n’avait pas voulu prévoir. L’attention du parlement britannique ne pouvait manquer d’être appelée sur un fait aussi grave. Dans les deux chambres, l’opposition demanda une enquête dont l’objet devait être de constater si lord Fitzwilliam avait mérité son rappel en violant ses instructions, ou si le ministère l’avait sacrifié après l’avoir mis en avant. Les ministres refusèrent toute explication, se bornant à dire qu’ils avaient usé d’un droit incontestable. La proposition d’enquête fut écartée.

Telles furent les discussions principales qui occupèrent la session. La guerre continuait cependant. Dans la Méditerranée, l’amiral Hotham battit une escadre française qui portait un corps de troupes destinées à reprendre la Corse, lui enleva deux vaisseaux avec deux mille soldats, et força le reste à rentrer à Toulon. L’amiral Bridport défit, près de Lorient, une autre escadre républicaine à laquelle il prit trois vaisseaux de ligne. A l’abri de cette victoire, un corps nombreux d’émigrés français put débarquer à Quiberon pour y prendre part à la guerre civile qui s’était rallumée dans la Vendée. On connaît la triste issue de cette tentative mal conçue et le sort déplorable de ceux qui s’y étaient engagés. L’opinion a sévèrement reproché au cabinet de Londres le peu d’appui que prêtèrent les forces anglaises à une entreprise faite en quelque sorte sous leur pavillon. Des ressentimens naturels, mais aveugles, ont voulu rendre Pitt responsable du sang versé en cette circonstance, et parmi les royalistes comme parmi les patriotes, des voix se sont élevées pour accuser le cabinet de Londres d’avoir vu sans regret l’anéantissement d’une expédition formée en partie des débris de l’ancienne marine française.

Aussitôt après la conclusion du traité d’alliance entre la France et les Provinces-Unies, tous les bâtimens de guerre et de commerce hollandais