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odieuse. Et quels étaient en réalité ceux qui pensaient et parlaient ainsi ? Horace nous renseigne là-dessus, et nous prouve que ces braves gens ne valaient pas mieux ou valaient moins que son père.

Pour nous, qui sommes tout-à-fait des amis d’Horace, et qui estimons assez peu Robert, nous comprenons cependant ce dernier, non pas que la corruption et le vice politique nous plaisent le moins du monde, mais parce que, de tous les domaines, celui qui s’accommode le plus mal de l’absolu et de l’idéal, c’est la politique. M. de Robespierre nourrissait d’excellentes idées sur la vertu, qui n’ont fait aucun bien à notre pays, et le cardinal de Richelieu, qui avait ses petites peccadilles, sanglantes ou perfides, ainsi que le bon Henri IV, dont les péchés étaient plus véniels, ont contribué à la splendeur nationale. Ces doctrines n’empêchent pas Marc-Aurèle et Suger d’avoir été de très grands hommes. La politique, c’est le succès ; quand il s’accommode de la vertu, à la bonne heure ; il s’en passe quelquefois.

Poursuivons l’analyse de ces précieux documens, trop peu exploités. Nous avons achevé le dépouillement de cette portion des Réminiscences et des lettres qui s’arrête en 1742. Nous sommes parvenus au moment de la chute de Robert et au commencement des deux volumes publiés en 1828 par lord Holland. Robert tombe après avoir épuisé toute la somme de pouvoir qu’un ministre peut porter. Entre 1715 et 1742, le jacobitisme avait été battu et reculait découragé ; les institutions philanthropiques et économiques avaient prospéré ; le parti whig, que Walpole avait fait monter au pouvoir, s’était constitué définitivement. La Grande-Bretagne se trouvait placée à la tête de la ligue septentrionale, dont le mouvement tout entier suivait sa loi. Assurément on ne peut attribuer à Robert Walpole toute cette impulsion qui venait de plus haut et que Guillaume III avait activée ; mais l’honneur de l’avoir soutenue, protégée et propagée lui appartient.

A peine Robert Walpole s’est-il retiré dans son domaine pour y mourir, sous le titre de comte d’Orford, les espérances du torysme se relèvent, Bolingbroke revient intriguer à Londres, les jacobites reprennent des forces, et le jeune prétendant prépare son invasion. Horace fait remarquer avec grand soin que de 1717 à 1720, c’est-à-dire pendant la demi-retraite de son père, des exécutions sanglantes avaient frappé les tentatives jacobites, et que de 1742 à 1750, après la retraite définitive du ministre, les mêmes tentatives avaient appelé les mêmes vengeances. Ce ne fut qu’en 1756 que le premier Pitt (lord Chatham) parut sur la scène, non plus seulement comme l’adversaire violent de Robert et de ses successeurs, mais comme principal secrétaire