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sujets pour l’ensemble de leur fortune. Il fit d’éloquens appels aux sentimens patriotiques qui avaient déjà inspiré de si grands sacrifices, payés d’ailleurs par de si grands résultats ; il adjura le parlement de persévérer et de tout préférer à une paix honteuse. Après des débats très prolongés, l’impôt du revenu fut voté à une immense majorité, aussi bien que tout le plan financier dont il faisait partie. Il fallut encore, avant la fin de la session, y ajouter quelques nouvelles taxes sur les consommations, pour maintenir entre les dépenses et les recettes l’équilibre si laborieusement établi et toujours rompu, soit par des circonstances imprévues, soit par des erreurs d’évaluation inévitables au milieu de tant d’innovations et d’essais.

Le ministère avait soumis au parlement des documens qui démontraient l’existence d’une conspiration tramée par les sociétés révolutionnaires, de concert avec le gouvernement français, pour corrompre les soldats et les matelots. Une commission secrète, chargée d’examiner ces documens, ayant reconnu l’urgente nécessité de réprimer ces dangereuses manœuvres et de renforcer les pouvoirs extraordinaires déjà conférés au gouvernement, deux bills proposés par Pitt furent votés à des majorités très considérables, malgré une vive opposition ; l’un maintenait la suspension de la liberté individuelle en y ajoutant la faculté de transporter sur un autre point du royaume les personnes arrêtées, de manière à les éloigner de leurs complices ; l’autre punissait de l’amende, de la prison, dans certains cas même de la déportation, ceux qui, après un délai fixé, continueraient à faire partie des sociétés révolutionnaires ; il soumettait à de nouvelles entraves les réunions de toute nature, réglait le droit d’affiche publique, et exigeait la déclaration officielle de toute imprimerie. L’esprit de répression intérieure se ranimait, comme à l’ordinaire, en proportion de l’activité que prenait la guerre extérieure. Le roi, d’ailleurs, secondait cette réaction de toute son énergie : de sa propre main, il raya le nom de Fox de la liste des membres du conseil privé, où figurent, comme on sait, tous les anciens ministres ; le crime de Fox était d’avoir bu, dans un banquet, à la majesté du peuple souverain. Pitt n’approuva pas une mesure qui, suivant lui, ne pouvait qu’augmenter l’importance et la popularité de l’homme qu’elle frappait.

Cette session ne fut pourtant pas uniquement marquée, comme la plupart des précédentes, par des votes financiers et des mesures d’exception contre la liberté ; elle vit aussi débattre une des plus grandes questions politiques dont le parlement se soit jamais occupé.

Depuis qu’à l’issue de la guerre d’Amérique la législature irlandaise