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étaient couvertes par le pavillon neutre, à l’exception des objets de contrebande de guerre ; aucun navire convoyé par un bâtiment de l’état ne pouvait être visité ; enfin, pour qu’un port fût considéré comme bloqué, et par conséquent pour qu’on eût le droit de capturer les neutres qui essaieraient d’y pénétrer, il fallait que le nombre et la disposition des vaisseaux employés au blocus fussent tels qu’ils rendissent évidemment difficile l’entrée de ce port.

Telles étaient les principales stipulations des traités conclus à Saint-Pétersbourg, et dont une escadre combinée devait assurer l’exécution. Pendant la guerre d’Amérique, l’Angleterre s’était résignée à en subir de semblables ; cette fois, elle crut pouvoir y résister, et, sans se laisser arrêter par la crainte d’accroître encore le nombre de ses ennemis, elle ordonna de courir sus aux vaisseaux des confédérés. Paul était, d’ailleurs, en proie une telle exaspération que les plus grands ménagemens ne l’auraient pas calmé. Par un de ces reviremens brusques qui révélaient en lui cette sorte de folie que produit trop souvent l’enivrement du despotisme, il avait passé soudainement, de sa haine fougueuse contre la France, à des sentimens absolument contraires. Le premier consul, par d’adroites flatteries, avait conquis en un moment l’amitié et l’enthousiasme de ce prince fantasque, et des rapports intimes, fondés sur la haine commune que leur inspirait l’Angleterre, s’étaient établis entre eux.

Quelque fermeté que manifestât le cabinet britannique, il ne semblait pas qu’il pût surmonter les difficultés d’une pareille situation. Des embarras intérieurs étaient venus, comme à l’ordinaire, aggraver les dangers du dehors. La disette qui affligeait le pays depuis plus d’une année excitait à Londres et dans les provinces des désordres sérieux. Les mesures de simple administration ne suffisant plus pour les réprimer, on s’était vu dans la nécessité de porter la question devant le parlement d’Angleterre et d’Écosse, qui se rassembla pour la dernière fois au commencement de novembre, en attendant l’époque de la réunion du premier parlement uni de la Grande-Bretagne et de l’Irlande, convoqué pour le mois de janvier. Sur la proposition de Pitt, ce parlement vota des primes à l’effet d’encourager l’importation du blé étranger, et adopta d’autres mesures qui avaient pour objet d’introduire une utile économie dans la consommation intérieure. Pitt s’efforça d’empêcher que les circonstances exceptionnelles dans lesquelles on se trouvait n’entraînassent les esprits à sacrifier les saines théories de la liberté du commerce pour satisfaire aux préventions de la foule ignorante, toujours prête à se laisser égarer par les accusations d’accaparement et de monopole ; ses sages avis