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résistances. s’organisent pourtant et prennent une régularité imposante sous la branche mérovingienne de Charibert, laquelle, dans la personne de ses nobles chefs, Eudon, Hunald et Vaifre, s’identifie pleinement avec les intérêts du pays. Il se fait là, au milieu des luttes finissant de l’anarchie mérovingienne, une sorte d’émancipation du midi, une véritable contre-conquête, comme la nomme M. Fauriel. Le midi de la Gaule va encore une fois renaître, si quelque loisir lui est laissé ; on est, comme on l’était au lendemain des Visigoths, à la veille d’une civilisation recommençante, si de nouveaux barbares ne viennent pas se ruer à la traverse et en refouler les semences.

Les Arabes ont paru de l’autre côté des Pyrénées ; mais, eux du moins, ce ne sont pas des barbares. M. Fauriel accueille cet épisode de son sujet d’un coup d’œil tout favorable ; il y redouble de curiosité, d’investigation tout à l’entour, en guide sûr et qui sait les sources. Les relations compliquées de ce peuple avec les Aquitains et les Vascons des frontières sont traitées pour la première fois d’une manière lucide, intelligente ; les effets lointains des révolutions arabes intestines et leur contre-coup sur la lutte engagée contre les Franks se marquent avec suite et s’enchaînent : il est telle révolte des Berbères en Afrique qui, seule, peut expliquer de la part des Arabes d’Espagne un temps d’arrêt, un mouvement rétrograde, où les chroniqueurs chrétiens n’ont rien compris. Toute cette portion de l’ouvrage de M. Fauriel est neuve, imprévue ; c’est une province de plus ajoutée à notre histoire, et on la lui doit. Sa prédilection, d’ailleurs, pour la noble culture et pour les instincts chevaleresques des conquérans de l’Espagne est manifeste ; il ne résiste pas à dessiner quelques-uns des traits de leurs plus grands chefs en regard de la barbarie des Franks. Ce n’est pas à dire pourtant qu’il déserte la cause de ses Aquitains et de ses Vascons ; il la montre seulement agrandie et ennoblie par de telles luttes, dans lesquelles Eudon et Vaifre combattent à l’avant-garde contre l’islamisme en champions de la chrétienté. Mais cette tâche leur est bientôt ravie par la fortune ; elle retombe à Charles-Martel et à Charlemagne, qui en confisquent aussi toute la gloire.

La nation franke, en danger de s’abâtardir avec les derniers fils de Clovis, se retrempe sous les premiers chefs de la branche carlovingienne. Une nouvelle impulsion est donnée à la race conquérante ; l’Aquitaine s’en ressent. En vain les petits-fils de Charibert, qu’elle s’est si bien acquis et assimilés, essaient d’y défendre jusqu’au bout l’honneur du dernier rameau mérovingien contre l’usurpation partout