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stimulé ; le public, dont l’attention serait appelée sur des résultats qui, sans cette circonstance, passent inaperçus ; l’Académie enfin, qui ne peut que grandir en exerçant dans toute son étendue ses droits de juge en tout ce qui relève de la science.

Retranchons maintenant ces 21 rapports des 420 communications formant le total général, retranchons également 18 paquets cachetés dont l’Académie a accepté le dépôt, et dont le contenu ne doit être publié que sur la demande expresse des dépositaires, il nous restera 381 travaux originaux pour représenter les progrès accomplis dans la période que nous examinons. Sur ce nombre, 51 mémoires plus ou moins étendus ont été présentés par des académiciens ; 20 autres, appartenant à des savans étrangers à l’Académie, ont été lus devant elle. La correspondance a fourni les 310 restant. Ainsi, à chaque séance, les secrétaires perpétuels ont eu à rendre compte en moyenne d’environ 19 mémoires souvent fort étendus et portant sur toutes les branches des connaissances humaines. On voit que cette haute dignité académique est loin d’être une sinécure, et que, pour en remplir dignement les fonctions, il est nécessaire de posséder une universalité clé connaissances presque complète. Rien en effet ne règle le tour d’arrivée des travaux, et le secrétaire de service, qu’il soit astronome ou physiologiste, est tenu d’analyser publiquement chacun des articles de la correspondance, qu’il s’agisse de botanique ou de chimie, d’agriculture ou de mathématiques.

La part des diverses sciences est très inégale dans cet apport total. De ces 381 mémoires, la géométrie en a fourni 43, l’astronomie 19, la mécanique 43, la physique 37, la chimie 39, la zoologie 25, la physiologie expérimentale 20, la botanique 10, la géologie et la minéralogie 26, la médecine 43, l’agriculture 11, la météorologie et la physique du globe 35 ; enfin 27 communications ont été faites sur les applications variées de quelques principes empruntés presque uniquement à la chimie, à la physique et à la mécanique.

La conséquence la plus générale à tirer de ces chiffres, c’est que de nos jours les sciences sont d’autant plus cultivées qu’elles se prêtent davantage à une pratique usuelle, et c’est là une des conséquences naturelles de la prépondérance que prend chaque jour l’industrie. Les sciences spéculatives, celles qui ne présentent que des applications lointaines et dont les résultats ne se font sentir qu’à l’aide de nombreux intermédiaires, ne sauraient espérer de devenir populaires. La géométrie seule rivalise dans le tableau précédent avec la médecine, la mécanique, la physique et la chimie ; mais elle doit ce privilège presque uniquement aux- efforts d’un seul homme, de M. Cauchy, dont la verve intarissable laisse rarement passer une séance sans déposer sur le bureau quelque nouveau mémoire de mathématiques transcendantes. La médecine, avec son peuple de disciples, pour qui apprendre leur nom au public est presque une assurance de réussite, la physique, la chimie, la mécanique, avec leurs applications immédiates qui promettent la fortune et le repos pour prix de quelques années de travail, trouvent donc en elles-mêmes