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nous montrerons combien les vices de nos institutions actuelles sont aggravés par la conduite des gouvernans ; nous comparerons ce qui se passe sous ce rapport en France et ailleurs, et de cette opposition nos lecteurs pourront tirer avec nous cette conclusion assez triste : que nulle part peut-être les sciences ne sont aussi complètement abandonnées à leurs propres forces que dans notre patrie.

Après avoir présenté la statistique des travaux de l’Académie, il nous reste à faire un choix dans ce riche faisceau, et ce n’est pas chose facile. Parmi ces quatre cent deux mémoires ou rapports, il en est de très importans dont l’analyse est impossible ; il en est qui, tout en accusant un progrès sensible, laissent encore dans le doute la question dont ils s’occupent ; d’autres enfin, traitant quelque point circonscrit de la science, ne sauraient intéresser que les hommes spéciaux. Tout en regrettant de ne pouvoir donner une idée de chacun d’eux à nos lecteurs, nous nous arrêterons surtout à ceux qui se rattachent à quelque idée générale, ou dont le résultat, facilement saisissable, est de nature à frapper tous les esprits sérieux.


II

Pendant les premières années d’application de la vaccine, les épidémies de variole semblèrent reculer devant l’admirable découverte de Jenner. Depuis quelque temps, elles se renouvellent de toutes parts avec une fréquence qui a pu troubler un instant notre sécurité et justifier certaines alarmes. On s’est demandé si le virus vaccin avait dégénéré ; si, en passant de l’homme à l’homme par de nombreuses générations de boutons, il avait perdu quelque chose des vertus du cow-pox, tiré immédiatement des vaches ; si sa vertu préservatrice s’affaiblit avec le temps, et si une seule vaccination est vraiment suffisante pour conjurer l’invasion de la petite vérole : enfin, quelques pessimistes sont allés jusqu’à se demander s’il ne faudrait pas en revenir à l’inoculation, à ce moyen si hardi imaginé par nos pères, qui diminuait les périls de la maladie en les bravant.

Si l’on se rappelle les ravages terribles exercés par la petite vérole, ravages dont nos contrées n’offrent, il est vrai, plus d’exemples, mais que nous pouvons observer encore chez les peuples qui ne connaissent ni l’inoculation ni la vaccine, on comprendra l’immense intérêt qui s’attache à ces questions. Lorsque l’Académie des Sciences, remplissant dignement son mandat, attira sur elles l’attention publique et promit un prix spécial à celui qui parviendrait à les résoudre, son appel ne resta pas sans réponse. Trente-cinq médecins français ou étrangers envoyèrent des mémoires à ce concours, qui intéressait la science et l’humanité tout entière. Parmi ces travaux se trouvaient de véritables ouvrages en plusieurs volumes, accompagnés de riches atlas. Cette abondance même explique et excuse le retard qu’a mis la commission à prononcer son jugement. Elle ne pouvait agir avec trop de prudence