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VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE À NINIVE.

Khorsabad aient certaines beautés de détails avec lesquelles la raideur des poses et l’absence de toute perspective forment un contraste choquant. Ainsi, ce qui, au premier coup d’œil, nous fait remarquer presque un air de famille entre les sculptures des Indiens, des Égyptiens, des premiers temps de la Grèce et celles de Ninive, ce sont quelques symboles analogues, une grande simplicité de formes jointe à une ornementation aussi riche que minutieuse, de la naïveté souvent, toujours de la finesse, enfin, dans les contours, une excessive pureté, poussée quelquefois jusqu’à la sécheresse.

Si l’on compare successivement l’art assyrien, tel que les fouilles faites à Khorsabad l’ont montré, à celui des peuples qui ont précédé ou suivi immédiatement les Ninivites, on pourra, je crois, se convaincre que l’art assyrien est infiniment plus pur que l’art indien, souvent grotesque et monstrueux, aussi fin, mais plus savant dans tous les détails anatomiques que l’art égyptien, qu’il surpasse de beaucoup dans l’étude de la nature ; et, si l’on ne craint pas d’arriver jusqu’à un parallèle des bas-reliefs de Ninive, non-seulement avec ceux des premiers ouvrages de la Grèce, mais avec ceux du Parthénon, on trouvera que, notamment dans toutes les scènes analogues à celles qui ornent la célèbre frise de ce temple, le ciseau du sculpteur ninivite n’est pas tellement inférieur à celui de Phidias qu’on ne puisse risquer entre eux une comparaison.

Après avoir, devant ces innombrables bas-reliefs, analysé l’art et le génie particuliers aux sculptures assyriennes, il reste encore une étude curieuse à faire. Il est intéressant d’observer les diverses races d’hommes qui représentent les ennemis des Assyriens dans les scènes de guerre et les forteresses assiégées ; c’est le moyen d’arriver à reconnaître, ou du moins à présumer, quel souverain a pu élever ces palais.

Parmi les adversaires que combat le grand roi, et dont il paraît triompher, on distingue trois ou quatre peuples différens ; on en voit qui, tête nue et vêtus de peaux de bêtes, paraissent appartenir à une nation peu civilisée ; au sommet des tours qu’ils défendent s’élèvent des flammes, et, les bras étendus, ils semblent invoquer une puissance céleste. La végétation figurée rappelle celle d’un pays chaud, quoique les vêtemens de ces guerriers puissent faire supposer qu’ils soient obligés de se couvrir de fourrures pour se garantir des intempéries d’un climat variable. Peut-être doit-on les prendre pour un peuple pasteur, comme l’étaient et le sont encore les vrais Perses, ou habitans du Fars, patrie de Cyrus, et les Mèdes qui, après avoir soutenu plusieurs fois le choc des Assyriens, finirent par devenir leurs