Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plaine de Solo. Un essaim de jeunes filles de huit à douze ans les y suivirent et les charmèrent par leur grace et leur gentillesse, que relevait encore le contraste de trois affreuses naines chargées de porter le siri, le vase indispensable à ceux qui usent de cette drogue dégoûtante, et le chasse-mouche. Des rafraîchissemens avaient été préparés dans ce lieu élevé, où l’on reçoit l’air de trois côtés. Des esclaves servirent les convives avec cette exagération d’humilité qui est le propre des mœurs orientales. Du belvédère on se rendit aux appartemens intérieurs. La faveur de visiter ces appartemens n’est pas accordée à tout le monde ; quant aux femmes de l’empereur, il fallut renoncer à les voir. Elles ne paraissent que lorsque des dames viennent les visiter. L’empereur daigna cependant présenter à l’amiral sa fille aînée, âgée de vingt ans, et qui n’a guère que sa jeunesse pour attrait. Ponoto-Gomo a deux filles, et point d’enfant mâle ; sa succession ira donc à la branche collatérale.

L’appartement intérieur est somptueux, mais tout ce qu’il renferme est arrangé sans goût. Le lit de l’empereur est placé sous un vaste baldaquin en forme d’alcôve ; quatre chambres, deux à droite et deux à gauche, sont destinées aux quatre femmes que la loi lui permet d’avoir. Ces chambres, dont deux seulement sont habitées, occupent tout un côté d’un grand salon assez sombre. Les autres côtés sont garnis de meubles de toutes les formes ; la plupart de ces meubles sont européens, et les murailles sont couvertes de tableaux représentant des sujets empruntés à l’histoire de l’empire français. On remarque une statuette du roi des Français à côté de celle de Napoléon, et un grand nombre d’objets de nos manufactures, pendules, vases, etc. Ponoto-Gomo, qui paraît très au courant de l’histoire contemporaine, et sait fort bien que Java fut un moment sous la domination française, semblait prendre un véritable plaisir à montrer à notre amiral ces souvenirs d’une gloire passée. Il jouissait évidemment de l’impression que ces objets produisaient sur son hôte, et tout indiquait chez le prince javanais une réelle sympathie pour la France.

On avait sans doute appris à Ponoto-Gomo le désappointement causé à l’amiral par le bal européen de Djocjokarta. Quand les visiteurs rentrèrent dans la cour d’honneur, ils virent réunies sous un hangard, dont le sol avait été exhaussé de quelques pieds, une vingtaine de bayadères, qui exécutèrent plusieurs danses nationales. Ponoto-Gomo eut soin de retenir les spectateurs à quelque distance de la scène où dansaient les bayadères. Le contre-amiral l’ayant questionné à ce sujet, il répondit que les danseuses, commandées à l’improviste, n’avaient pas eu le temps de prendre leurs beaux costumes, et qu’obligées de danser dans une toilette un peu simple, elles l’avaient prié de ne pas les laisser voir de trop près. En effet, excepté les sarrons serrés autour de la taille, et qui enveloppent la partie inférieure du corps, excepté les écharpes légères dont elles tiraient habilement parti, ces danseuses, il faut le dire, étaient assez peu vêtues.

L’empereur voulut avoir les noms du contre-amiral et de ses compagnons