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REVUE. — CHRONIQUE.

On espère en faire en même temps un port militaire accessible aux grands bâtimens. Une redoute nouvelle a été faite à Samarang, une autre à Veltevreden, et la rivière de Batavia sera protégée par un système de défense mieux entendu et plus considérable que celui qui existait anciennement. Les Hollandais veulent être en état de soutenir une lutte sérieuse dans le cas d’une invasion étrangère ou d’une révolte intérieure. Sous ces deux points de vue, la position d’Ambrava est parfaitement choisie.

Si l’on jugeait de l’établissement néerlandais de Java par les apparences, on pourrait croire que les Hollandais n’ont rien à redouter des populations indigènes. Cependant la dernière guerre est venue démentir cette supposition, et, à en croire des personnes qui connaissent bien le pays, si une expédition un peu considérable était tentée contre Java, si en même temps on promettait aux indigènes de les délivrer du joug qui les astreint à un travail excessif dont le produit sert à enrichir quelques régens[1] ou des étrangers, on trouverait de nombreux auxiliaires dans cette population qu’on évalue à 6 millions d’individus. Quoi qu’il en soit, Java est en ce moment l’objet de toute la sollicitude des Hollandais. Depuis que les colonies des autres nations produisent des épices, depuis que l’on peut se procurer le poivre dans la partie indépendante de Sumatra et ailleurs, les Moluques, dont les Hollandais ont été si jaloux autrefois, n’ont plus à leurs yeux qu’une médiocre importance ; on ne les conserve que par amour-propre et pour que d’autres ne s’y établissent pas. Il en est de même de Sumatra : cette colonie n’offre, pour la culture des terres, ni les ressources, ni les élémens de prospérité qu’on trouve à Java, et jusqu’à ce jour elle a été plus à charge qu’utile à ses possesseurs. Les Hollandais ont abandonné la Nouvelle-Guinée ; le pays est si malsain, que les garnisons n’y pouvaient vivre. L’expérience a prouvé d’ailleurs que la population indigène est tout-à-fait impropre au travail et au commerce.

L’armée néerlandaise des Indes est sur un bon pied ; elle se compose de 18, 000 hommes environ, dont un tiers européen, et suffit à la garde de toutes les possessions hollandaises de l’Orient. La marine se compose de quatre bâtimens à vapeur, de quelques corvettes, bricks, et de petits bâtimens de flottille principalement employés contre la piraterie.

D’Ambrava, M. de Lagrenée et le contre-amiral Cécille revinrent en quelques heures à Samarang ; ils avaient parcouru en six jours près de 250 milles à travers les provinces centrales de Java. On ne peut se faire une idée de la richesse et de la beauté de ce pays. Partout s’étendent des plantations de riz, de cannes à sucre, de caféiers, d’indigotiers, de cotonniers, sans compter le blé, le maïs, les légumes, les fruits d’Europe, qui trouvent dans les régions élevées de l’île un climat favorable à leur culture. Du haut des montagnes, la vue plane sur un immense jardin arrosé de mille ruisseaux et animé par de nombreux villages qui s’élèvent çà et là sous l’ombre bienfaisante des cocotiers et des bananiers. Il serait difficile de dire ce que l’on doit le plus ad-

  1. On cite des régens qui gagnent jusqu’à 150 et 200, 000 florins par an.