Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une esplanade qui commence au temple de Viroupacsha et se termine à une pagode beaucoup plus petite, avec un portique et deux tours en spirale de chaque côté. Cette esplanade a sept cents mètres de longueur sur cinquante-six de largeur. Elle est encadrée à droite et à gauche d’arcades en terrasse à plusieurs étages, avec des balcons d’espace en espace. Le temple lui-même, outre le mérite de son antiquité, est fort curieux et serait mieux apprécié s’il n’était voisin de celui de Vitaladeva, dont il nous reste à parler. La construction du temple de Viroupacsha est celle de presque toutes les grandes pagodes indiennes une cour entourée d’une haute muraille avec des portes en pyramides, puis un portique qui donne entrée dans un large vestibule semé ici de fragmens d’idoles, dont quelques-unes sont d’un travail et d’un poli admirables. C’est une espèce de panthéon des divinités indoues. Siva, Vishnou, Lacshman, Ganesa, sont les images que l’on y retrouve le plus souvent. Quelques-unes de ces statues sont encore intactes. Puis vient un passage avec un escalier et une porte de chaque côté qui conduit au Garba-Griha, le saint des saints, cloître triste et sombre, où les rayons même réfléchis du soleil ne pénètrent jamais, et dans lequel s’accomplit la majeure partie des rites brahminiques. Les prêtres seuls ont le droit d’y entrer. Si l’on en croit la tradition, de grands trésors sont enfouis quelque part dans cet espace. Ainsi l’on raconte de Crishna-Raja qu’il avait offert à Siva-Viroupacsha un ornement d’or et de pierres précieuses qui devait servir de couronne à son image ; mais les sthanicars (gardiens du temple), tout en recevant l’offrande, ne voulurent point lui donner la destination que le prince avait indiquée. Ils se contentèrent de la déposer dans le trésor du monastère. Chrisna-Raja se plaignit, dit-on, aux brahmines de ce que l’ornement qu’il avait voulu consacrer à l’idole ne dût servir qu’à les enrichir. Pour le satisfaire et en même temps pour lui montrer le peu d’importance qu’ils attachaient réellement à son offrande, ils le conduisirent dans le Garba-Griha, en lui disant de toucher en passant la muraille à droite et à gauche. Il le fit, et, trouvant la surface inégale, exprima aussitôt sa surprise. On alluma alors un flambeau, et il put voir que tous les murs de ce sanctuaire étaient incrustés de pierreries et de bijoux hors de prix.

A chaque pli du terrain, ce sont ensuite d’autres ruines et d’autres temples par centaines, ensevelis, étouffés sous les broussailles, où il faut pénétrer la hache à la main au risque de se trouver face à face avec un tigre ; mais on est toujours dédommagé de ces périlleux efforts.