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Tout près de la rivière, on rencontre une petite pagode délicieuse où se trouvent trois statues fort bien conservées, celles de Lacshman, Rama et Hanouman ; un peu plus loin dans le jongle, un temple à colonnes de granit noir, fort rare et fort dur, d’un poli superbe, et un autre avec des bas-reliefs admirables qui représentent tous les exploits de Rama dans l’île de Ceylan. Enfin, près de l’extrémité méridionale du pont s’élève l’incomparable Vitalraj (temple dédié à Vitaladeva), dont l’extérieur seul est en ruines. Cette pagode avait autrefois deux cours d’enceinte, aujourd’hui il n’en reste plus qu’une avec des portes pyramidales richement sculptées. Au centre se présente le temple principal tourné vers l’est et composé de trois ailes, avec un portique magnifique au milieu. En entrant sous le portique, on est d’abord frappé de la grandeur et de la majesté de l’ensemble, puis on est séduit par la grace et le fini des détails, et enfin, à mesure que l’œil s’accoutume aux objets les plus saillans, on découvre avec étonnement qu’il n’y a pas un pouce de ce vaste édifice auquel le ciseau n’ait donné une forme, et sur cette forme n’ait gravé une idée.

Nous avons dit que le temple se composait d’abord de trois ailes ou de trois salles sur le même plan. Le plafond des deux ailes latérales est d’un dessin pareil. Il se compose de dalles de granit, chacune de douze pieds carrés, d’un seul bloc, et chacune sculptée de manière à représenter un dais suspendu par des cordes tenues aux quatre coins par des perroquets. L’élévation de ces oiseaux au-dessus du sol les a sauvés des destructeurs de toutes les époques, anglais et musulmans, et leur a conservé même en partie les brillantes couleurs qu’on leur avait données. C’est dans l’aile centrale, celle qui conduit à l’intérieur de la pagode, que se déploient surtout le goût exquis et toutes les ressources de l’artiste. Le plafond est encore ici un assemblage de dalles de granit, mais ces dalles ont trente pieds de longueur sur quatre de largeur, et reposent sur des colonnes qui n’ont point leurs pareilles dans le monde. Pour les former, on a pris des blocs de granit de vingt pieds de circonférence et trente pieds de hauteur, et l’on a donné à chacune de ces masses une base et un chapiteau. La base est généralement un lion ou un autre animal grimpant ; puis le fût ou la partie intermédiaire a été découpée à jour en quatorze, quinze et quelquefois seize formes différentes, chacune ayant sa base et son chapiteau distinct se reliant à la base et au chapiteau communs. Les tiges qui subdivisent ainsi chaque colonne représentent pour la plupart l’élite des Apsaras, ou nymphes célestes, telles que Rhamba,