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M. Guizot a déclaré qu’il ne seconderait pas la politique des États-Unis dans l’affaire du Texas. Son penchant visible est du côté de l’Angleterre. Or, toutes les nouvelles que l’on reçoit de l’Amérique font connaître que l’annexion est certaine. Le peuple texien est résolu à se prononcer pour cette mesure. La France, en sera donc pour ses protestations impuissantes, qui éloigneront d’elle les sympathies de son ancienne alliée. Est-ce là le but que M. Guizot a voulu atteindre ? L’entente cordiale exigeait-elle de nous ce nouveau sacrifice ? Etait-il nécessaire de payer une si lourde rançon pour l’abolition du droit de visite ?

En Grèce, le ministère Coletti-Metaxas, en butte à des attaques violentes, voit ses efforts neutralisés par le mauvais vouloir de l’Angleterre. Aux troubles qui agitent le pays, aux rivalités ardentes qui arment les partis les uns contre les autres, aux mille intrigues d’une opposition implacable, aux embarras d’une administration naissante, dont les rouages ne suffisent pas pour seconder l’action du pouvoir, est venu se joindre un débat de frontières avec le gouvernement turc, source de nouvelles complications diplomatiques. Jusqu’ici, le gouvernement de la Grèce a montré dans ce conflit une fermeté et une modération dignes d’éloges ; mais qui se chargera d’éclairer le divan, de calmer ses ressentimens jaloux, de tempérer ses exigences, de lui donner des conseils dictés par la prudence et l’équité ? Est-ce l’Angleterre ? On sait maintenant que les alarmes du divan et les démonstrations menaçantes qui les ont suivies ont été inspirées par la diplomatie anglaise. L’action distincte de la France est donc nécessaire pour prévenir une explosion et pour fortifier le gouvernement grec. Espérons, dans l’intérêt de la Grèce, que cette ligne est déjà adoptée par le cabinet des Tuileries, malgré le démenti qu’elle peut donner à la politique de l’entente cordiale.

Une crise électorale vient d’amener en Belgique la dissolution du cabinet. Après quatre ans de durée, le ministère que dirigeait M. Nothomb se retire. Sa succession est ouverte ; les partis sont en présence ; la couronne n’a pas encore prononcé. En ce moment, tout examen des prétentions diverses qui retardent le dénouement de la crise, et toute appréciation des conséquences que peut avoir ce dénouement pour la France, seraient prématurés. Ce qu’on peut dire dès aujourd’hui, c’est que M. Nothomb sera difficile à remplacer ; la Belgique n’a pas d’homme d’état plus éminent.

En Suisse, l’évasion du docteur Steiger donne lieu à des conjectures diverses. Quelles que soient ces conjectures, on doit se féliciter de voir tranchée par le fait, une question inquiétante, dont la solution divisait les esprits. Si le gouvernement de Lucerne a perdu le bénéfice d’un acte de clémence, il n’a pas du moins à en supporter la responsabilité. Or, dans la situation actuelle des partis, cette responsabilité, bien qu’une politique humaine et généreuse ne dût pas hésiter à la prendre, pouvait passer cependant pour onéreuse.

Ainsi que nous l’avions prévu, toutes les nuances de l’opinion libérale, en