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grands cheveux blonds bouclés sur un teint clair, avait reçu le nom de Soleil (Tonatiuh). De ce mariage naquirent des enfans qui s’allièrent avec les plus nobles familles de Castille.

Il fut heureux pour Cortez que l’ardeur de son prosélytisme trouvât pour la tempérer la prudence du père Olmedo, les vues probablement mondaines de quelques-uns de ses lieutenans, et que, par leurs conseils, il se laissât ramener à la circonspection qui, en toute autre matière, lui était naturelle. Il eût soulevé un orage où il eût disparu avec sa troupe, alors épuisée, et dont les rangs étaient éclaircis ; et eût-il réduit les Tlascaltèques, ce qui n’est pas probable, ces démonstrations de prosélytisme brutal lui eussent fermé le chemin de Mexico. L’entreprise eût été manquée. L’histoire mentionnerait son nom comme celui d’un condottiere qui aurait anéanti, par son fanatisme, les espérances magnifiques qu’avaient fait naître de premiers succès. Ce que c’est pourtant qu’un instant dans la vie d’un grand homme ! Ce que vaut un bon avis ! Une magnifique page, en impérissables caractères, dans l’histoire universelle, au lieu d’un de ces souvenirs obscurs, indifférens et fugitifs, qui forment le lot des aventuriers imprudens, et même l’unique récompense d’hommes meilleurs en qui la nature avait mis l’étoffe d’un héros, mais qui ont été malheureux.

Cortez, une fois rentré dans la bonne voie où son excellent jugement et sa pénétration tendaient à le maintenir, dresse son plan de campagne. Il ira maintenant à Mexico, bon gré, mal gré ; il a une puissante alliance garantie par l’antipathie invétérée des Tlascaltèques contre les Aztèques. Le terrain est ferme sous ses pieds et il a le secret de la faiblesse de l’empire mexicain. Ce qu’il a appris à Tlascala a confirmé le dire du cacique de Cempoalla sur la haine qu’une partie des populations tributaires de l’empire a vouée à ses oppresseurs. Montezuma est détesté dans les provinces conquises : un libérateur qui s’offrira pour délivrer les peuples de ce joug pesant, pourvu qu’il soit fort, trouvera de nombreux auxiliaires. Aux portes même de Mexico, le conquistador sait qu’il aura des amis. Le frère de Cacamatzin, roi de Tezcuco, fils comme lui de Nezahualpilli, le prince Ixtlixochitl, écarté du trône de Tezcuco par l’influence de Montezuma, et réduit à un apanage médiocre, brûle de se venger : il est renommé par son bouillant courage, et il a fait offrir ses services à Cortez.

Cependant, à Mexico, l’empereur était livré à une perplexité désolante. Au fond généreux et intelligent, ce prince, après s’être distingué par sa bravoure, s’était abandonné à une superstition effrénée et à une bigoterie sanglante, on a vu à quel degré. Il est bien difficile