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M. Élie de Beaumont en a parfaitement fait ressortir toute l’importance, et, sur les conclusions de l’illustre géologue, l’Académie a accordé à ce travail le plus grand honneur dont elle dispose, l’insertion au Recueil des savans étrangers.

Un suffrage aussi honorable est un sûr garant de la valeur scientifique de l’ouvrage publié par M. de Tchihatcheff : peut-être serait-il une assez mauvaise recommandation auprès des personnes qui cherchent dans la lecture d’un voyage autre chose que de l’instruction, et que retiendrait la crainte de ne trouver dans celui-ci que des dissertations techniques compréhensibles seulement pour les savans de profession. Heureusement, il n’en est pas ainsi. Dans la partie consacrée à l’itinéraire, M. de Tchihatcheff a prouvé qu’il savait faire autre chose que déterminer des roches et relever des inclinaisons de couches. Sans jamais cesser d’être un homme sérieux, il sait se montrer artiste ; il apprécie ce que les contrées qu’il traverse lui présentent de poésie tour à tour sombre ou riante ; il nous initie aux mœurs, aux traditions des peuplades qu’il rencontre ; partout son style est clair et animé. Peut-être le goût français pourrait-il y reprendre l’usage trop fréquent de la métaphore ; mais on pardonnera facilement ce défaut à un voyageur qui a passé plusieurs années dans l’Orient, qui en avait adopté le costume et appris le langage.

Toutefois nous adresserons à M. de Tchihatcheff un reproche que nous croyons fondé. La portion historique de son ouvrage est à chaque instant interrompue par des détails purement techniques qui embarrassent la narration. Il eût bien mieux valu séparer complètement ces deux parties. L’intérêt y eût gagné pour le lecteur, qu’il eût voulu s’instruire ou seulement s’amuser.

M. de Tchihatcheff n’a, du reste, rien négligé pour entourer son ouvrage de tous les accessoires qui peuvent en relever le prix. Un itinéraire relevé avec le plus grand soin nous fait connaître dans tous ses détails la route qu’il a suivie. Une carte géologique de l’Altaï résume tout ce que ses propres travaux et ceux de quelques rares prédécesseurs, parmi lesquels nous citerons surtout MM. de Humboldt et Gustave Rose, nous ont appris sur la constitution de ces lointaines contrées. Des dessins intercalés dans le texte présentent, tantôt des coupes de terrain et des croquis zoologiques, tantôt quelques-uns des incidens du voyage, et sont comme la traduction pittoresque de l’esprit de l’ouvrage entier. Enfin un atlas de dix-neuf planches lithographiées avec une rare perfection met sous nos yeux quelques-uns des sites les plus remarquables ou les plus caractéristiques de l’Altaï, et