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le gouvernement le diminuent encore de 480,000 francs. Néanmoins, toute déduction faite, M. üliasnikoff n’en avait pas moins obtenu, pour le seul été de 1842, un bénéfice net de 1,920,000 francs.

On comprend que des gains aussi énormes doivent stimuler puissamment l’esprit d’entreprise. Aussi l’industrie du lavage des sables aurifères de la Sibérie a-t-elle marché avec une rapidité sans exemple. Dans l’espace de quatorze ans, ses produits se sont accrus dans la proportion de 1 à 200. En 1830, elle ne fournissait que 95 kilogrammes d’or représentant une valeur de 3,230,000 francs. Aujourd’hui, elle rapporte plus de 18,000 kilogrammes d’or ou 61,200,000 francs. Ces chiffres sont énormes, et pourtant ils deviendront chaque jour plus considérables à mesure que le nombre de bras, venant à augmenter, permettra d’exploiter sur une plus grande échelle. Tous les orpailleurs répétaient à M. de Tchihatcheff que le manque d’ouvriers les empêchait de doubler ou de tripler leurs bénéfices. Ainsi, l’augmentation de la population est à elle seule un élément infaillible d’accroissement pour cette industrie en se bornant aux localités actuellement connues ; et comme les limites du domaine aurifère reculent tous les ans devant chaque nouvelle exploration, comme elles semblent n’avoir d’autres bornes que les glaces éternelles du pôle, il est impossible de prévoir où s’arrêteront les gigantesques développemens de cette véritable récolte d’or.

Peut-être ne trouvera-t-on pas maintenant exagéré ce que nous disions tout à l’heure en comparant l’influence qu’aura un jour l’exploitation de la Sibérie sur le commerce des métaux précieux à celle qu’exerça la découverte de l’Amérique et de ses trésors. Dans son dernier ouvrage de minéralogie, M. Beudant évalue à 24,000 kilogrammes la quantité d’or extraite annuellement sur tous les points du globe. Ce poids de métal représente une valeur de 82 millions. Dans ce total, l’Amérique équatoriale figure pour 64 millions, la Sibérie pour 8 millions seulement ; mais nous venons de voir que la production de cette dernière rivalise aujourd’hui avec celle de l’Amérique. Nous avons pu nous convaincre par les progrès accomplis dans le court espace de quatorze ans que cette exploitation prendra dans le nord de l’Asie une importance croissante. Qu’elle suive deux ans encore la même progression, et la Sibérie fournira à elle seule plus d’or que tout le reste du monde : dans vingt ans, elle mettra annuellement en circulation une quantité d’or au moins double de celle que nous consommons aujourd’hui.

Ici nous devons cependant, avec le célèbre minéralogiste que nous