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De là quels avantages ! Point de transport du lieu de la station au domicile, puisque le bateau même y vient : c’est une économie d’environ 3 francs par -tonne à l’arrivée sur les petits comme sur les longs voyages, une économie à peu près égale au point de départ ; voyez en outre quelle garantie pour le propriétaire, toujours maître de surveiller lui-même, quand il le faut, le déchargement de sa marchandise !

On a compris ces avantages, et il était difficile en effet de n’en être pas frappé ; seulement on a cru qu’ils n’étaient que transitoires, qu’ils dérivaient uniquement de la longue existence des canaux, et que les chemins de fer les partageraient un jour. Avons-nous besoin de dire que c’est encore là une illusion que l’expérience doit dissiper ? On a déjà compris que ce n’est pas uniquement comme moyens de transport que les voies d’eau attirent et les populations et les usines sur leurs rives ; c’est encore comme aqueducs pour les premières, comme réservoirs d’eau pour les autres, et ce sont là des destinations que les chemins de fer n’ont pas, que nous sachions, la prétention de remplir. En mettant même cette considération à part, jamais les chemins de fer ne verront, comme les canaux, les établissemens industriels se ranger le long de leurs francs bords, par cette raison simple et décisive qu’ils n’ont pas de francs bords, et qu’ils ne sont abordables que dans les stations.

C’est ici un fait en apparence peu important, et dont cependant les conséquences sont graves. Une route ordinaire et un canal ont cela de commun qu’ils sont accessibles sur tous les points de leur parcours. La route a même cet avantage particulier qu’elle étend ses ramifications de toutes parts, à l’intérieur des villes comme au dehors, et qu’elle conduit partout à domicile, pénétrant même au besoin jusqu’au cœur des établissemens. Si le canal n’offre pas cette commodité, il est certain du moins que, sauf quelques exceptions assez rares, on peut entrer en communication avec lui en quelque lieu qu’on le rencontre, à moins que les règlemens de police ne s’y opposent. Un industriel peut donc établir sa maison, son usine, à portée d’un canal, partout ou sa convenance l’exige, assuré qu’il est de jouir partout des avantages que ce voisinage promet. Il n’en est pas de même d’un chemin de fer : il n’est abordable, disons-nous, que dans les stations ; ainsi le veulent la nature de son service et la rigidité de sa structure. De plus, dans les stations même, il n’est pas abordable ouvertement, directement, car c’est encore une des nécessités de son service que ces stations soient closes, ou du moins que les étrangers ne puissent y faire eux-mêmes leurs