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L’influence de ces différentes sectes sur le génie national et sur la langue serait aisée à marquer. Ce sont autant de schismes qu’il a fallu détruire dans l’intérêt de l’unité intellectuelle de notre pays.

S’il est un tour d’esprit antipathique au génie et à la langue de ce pays, c’est la subtilité, excès commun à toutes ces sectes qui toutes ont raffiné, quoique dans des desseins bien différens.

Les jésuites raffinaient sur la morale. Leur subtilité corrompait le cœur ; leur casuisme éveillait dans les consciences ce fonds de mauvaise foi d’où nous tirons tous les prétextes de mal faire.

Les jansénistes ne raffinaient que sur le dogme, mais avec des arrière-pensées d’inquiétude et de suspicion contre la puissance publique, lesquelles affaiblissaient l’esprit d’unité qui fait la force de notre nation.

Les quiétistes, pour ne parler que des spéculatifs, ruinaient à la fois l’activité humaine par de vaines recherches de perfection, et la morale, en ne rendant pas la volonté responsable des brutalités du corps.

La langue souffrait de ces subtilités plus ou moins innocentes. Il faut lire certains passages des Provinciales où Pascal se raille légèrement du langage des pères, et cite des phrases dont l’affectation et le raffinement contrastent si étrangement avec le naturel et la candeur de son style. On sent combien il importe à la morale que Pascal triomphe des jésuites, et que son simple bon sens parvienne à déshonorer leur subtilité.

Les jésuites auraient relâché cette langue ; les jansénistes la desséchaient ; les quiétistes l’obscurcissaient et l’aiguisaient jusqu’à la rendre inintelligible. Plus tard, ceux qu’on a appelés les idéologues y devaient répandre les nuages de l’abstraction. Il était donc d’un grand intérêt que tous ces schismes, y compris celui-là même qui tira tant d’autorité de la vertu incommode, mais irréprochable de ses défenseurs, le jansénisme, fussent vaincus par le véritable esprit de la nation, représenté plus ou moins bien et défendu plus ou moins innocemment par la puissance publique.

Ces combats n’ont été stériles ni pour la nation qui en était témoin, ni pour les combattans eux-mêmes. Ceux-ci profitaient de leurs qualités réciproques, à peu près comme des armées ennemies se forment, en se combattant, aux usages de guerre et à la discipline qui donnent l’avantage ; mais c’est surtout pour la nation que le spectacle n’en était pas sans fruit : l’esprit public s’enrichissait de ce que chaque adversaire avait de bon. Cela est vrai surtout des jansénistes, auxquels j’éprouve le besoin de rendre hommage, et qui d’ailleurs firent toujours