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en Morée et en Hongrie, elle attendait avec impatience la mort de la reine Anne, qui laissait espérer le trône de la Grande-Bretagne aux électeurs de Hanovre. Mais il pouvait se présenter des obstacles ; le frère aîné de l’évêque, George-Guillaume, pouvait contracter un mariage princier, dont les fruits auraient dérangé les plans ultérieurs du couple ambitieux. On obtint donc de la facilité du frère une promesse écrite, par laquelle il s’engageait ou à ne point se marier, ou à ne s’unir que de la main gauche à une femme d’un rang inférieur ; cette alliance bizarre était familière à la maison de Brunswick, qui depuis le XIIe siècle n’a pas compté moins de trente-deux mariages de ce genre. Les choses ainsi arrangées, l’évêque tenait sa cour splendide à Osnabrück, soldait des espions en Angleterre et en Hollande, dépassait ses revenus, et donnait des fêtes à la Louis XIV dans son château féodal.

Toujours plus épris de Mlle d’Olbreuse, le duc George, placé entre sa passion et sa promesse, était fort embarrassé de ne pouvoir ni satisfaire l’une ni tenir l’autre. Mlle d’Olbreuse résistait à ses prières, ne voulait pas entendre parler de main gauche et de coutumes allemandes, et se maintenait dans un système de refus modeste et de fierté pauvre qui répandait sur elle un intérêt vif et mérité. Cependant l’aîné des trois frères mourait. Le duc George devenait duc de Zelle, et les dépenses comme les splendeurs de la cour épiscopale d’Osnabruck continuaient leur cours. On y riait beaucoup de la passion vertueuse du duc George et de sa madame, comme disait l’évêque, et l’on se permettait même de petites comédies entre quatre paravents, où le bon duc était représenté recevant d’Éléonore des leçons de français, et s’efforçant en vain de lui donner des leçons d’amour. Les progrès de Mlle d’Olbreuse dans l’affection du duc George et ceux de l’évêque dans la dilapidation de ses revenus suivirent un cours parallèle, si bien que ces deux élémens, qui paraissaient n’avoir aucun rapport ensemble, finirent par se rencontrer. Le duc offrit de l’argent ; l’évêque en reçut. Le duc en avait beaucoup depuis que Mme Buccolini s’était retirée à Venise avec sa pension ; l’évêque n’en avait guère, et il en avait grand besoin. On stipula que les droits futurs de l’évêque et de sa femme, ainsi que ceux de leur fils George, sur l’électorat de Hanovre et la couronne d’Angleterre, ne seraient nullement compromis par les héritiers possibles de son frère aîné. Les conseillers auliques se mirent à l’œuvre ; on griffonna pendant six mois d’iniques paperasses, d’après lesquelles les héritiers du duc George se trouvaient exclus du partage et privés