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compter et les restes de sympathie qui s’élevaient encore en sa faveur. Si elles prouvaient l’innocence des rapports de Sophie et de Kœnigsmark, elles la montraient fière, violente, hardie, profondément blessée, prête à fuir chez les ennemis de l’électeur, et dangereuse dans sa colère ; on eut peur d’elle et on l’écrasa.

Elle acheva de prêter des armes à ses adversaires en déplorant avec larmes l’absence de Koenigsmark, et en accusant hautement Élisabeth Platen de la mort de ce malheureux. On lui envoya le comte de Platen pour l’interroger ; ce dernier lui exposa que l’on craignait de la voir mère d’un fils de Kœnigsmark. « Vous me prenez pour votre femme ! » répondit-elle fièrement à Platen, qui devint son ennemi implacable. Alors une cour consistoriale s’assemble pour la juger ; elle proteste ; un jour, prête à recevoir le sacrement, elle se retourne au milieu de l’église, et, faisant face à l’assemblée, prend Dieu même et l’hostie sainte à témoin de la pureté de sa vie, défiant la comtesse Platen d’en faire autant. La comtesse pâlit, et l’église retomba dans le silence. La lutte entre les deux femmes était terminée. Le tribunal, sans s’occuper de l’adultère, avait prononcé le divorce ; elle n’était plus femme de George de Hanovre, et Élisabeth Platen l’emportait.

Nous avons vu quel concours d’inimitiés ardentes, d’imprudences et d’étourderies avait préparé cette destinée, et comment Élisabeth Platen avait enflammé contre son ennemie les passions et les intérêts. Mlle de Knesebeck, jetée en prison dans une forteresse au milieu de la forêt du Harz, « d’où elle ne découvrait, dit-elle, que les cimes vertes des grands arbres qui se balançaient comme une mer, » parvint à en sortir par la toiture, où un prétendu couvreur, qui n’était autre qu’un amant déguisé, pratiqua une ouverture qui permit à la demoiselle d’honneur de s’échapper. On conduisit en grande pompe la princesse à ce vieux château d’Ahlden, où il ne lui fut permis de voir ses enfans ni sa mère, et où elle mourut après trente-deux années de langueur et de solitude profonde ; puis il ne fut plus question d’elle. La comtesse Platen expira en 1706, en dictant le récit de sa vie, et disculpant complètement ce Koenigsmark qu’elle avait aimé, cette princesse qu’elle avait haïe. L’un des assassins du jeune homme soulagea sa conscience par une confession analogue, reçue par le même ecclésiastique et conservée dans les archives de Zelle.

Quant à George, devenu électeur d’Hanovre et roi d’Angleterre, qu’il soit jugé par l’histoire, où il a fait figurer à côté de lui Mme de Schulenburg sous le nom de duchesse de Kendal, et Mme Kielmansegg, fille de la comtesse Platen et favorite à son tour sous le nom