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« Naïade du Danube, ah ! que ton flot m’envoie
Pour mon doux bien-aimé quelque splendide proie ! »

La vierge recommence, et sa main, ô trésor !
Du sein des flots émus retire un casque d’or.

Et lui, durant ce temps, pêches miraculeuses !
Ramène un peigne orné de pierres précieuses.

Pour la troisième fois sa main plonge dans l’eau ;
Ah ! malheur ! la voilà tombée hors du bateau !

Il s’élance après elle, et la saisit à peine,
Que la nymphe tous deux vers le fond les entraîne.

La nymphe du Danube est avare et sans cœur ;
Jeune fille et garçon paieront cher sa faveur.

La barque sur les eaux désormais flotte vide,
Le soleil disparaît, la nuit tombe rapide ;

Et, quand la lune au ciel se leva, les deux corps
Surnageaient enlacés et voguaient vers les bords.

Ces forces élémentaires, hostiles à la race humaine, ne séjournent point seulement sous les eaux ; le naturalisme populaire dont la muse romantique évoque l’esprit, le naturalisme du moyen-âge en peuple la création. Comme l’océan et les fleuves, la terre et l’air ont une vie occulte, et malheur à qui refuse d’y croire ! Une belle jeune fille, courtisée de tous, s’amuse à bafouer ses amoureux : «  Plutôt que de me marier, dit-elle un soir, j’aimerais mieux me faire la fiancée du vent. » Or, pendant la nuit, le vent survient et l’emporte, et, neuf mois après, la commère met au monde le bandit Jung Volker. — Autre part, c’est la fille du meunier, Greth, que l’esprit du vent ensorcelle. Un matin, le fils du roi entre au moulin, et, la trouvant seule, va l’embrasser, lorsque soudain la chevelure de la belle se met à tournoyer, à bruire, à gronder, que c’est une tempête dans la maison, tandis qu’au dehors pas un rameau ne bouge. « Ah ! s’écrie le don Juan épouvanté, tu es la fiancée du vent ; c’est toi qui, l’autre nuit, as enlevé le drapeau de mon palais. » À ces mots, un coup de vent brise la fenêtre et les emporte tous les deux par-delà les mers, sur un pic désolé où la sorcière étouffe son amant d’une étreinte. Dirai-je encore l’histoire fantastique de ce petit homme à bonnet rouge qu’on voit apparaître à la lucarne d’une certaine maison de la ville chaque fois qu’un incendie doit éclater dans la contrée ? Dès la veille, il va et vient, monte et descend, se remue et s’agite comme sous une fiévreuse