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desquels le gouvernement voudrait obtenir du saint-siège des garanties. Il est probable que M. Rossi fera de nouveaux efforts pour réussir sur cet objet important.

Somme toute, nous l’avons déjà dit, cette conclusion des affaires de Rome nous paraît mériter l’approbation de tous les gens sensés ; elle est d’accord avec les vœux que nous avons toujours formés, avec les opinions que nous avons constamment défendues. C’est avec un vif regret que nous avons vu naître, sous le ministère actuel, la question des jésuites. Nous avons toujours souhaité que le débat eût une issue pacifique. Les querelles religieuses ne sont pas de notre temps. Ce nom de jésuites jeté au milieu de nos discussions politiques, ces protestations hostiles de plusieurs membres de l’épiscopat, ces violences de quelques écrivains fanatiques auxquelles répondaient malheureusement d’autres violences échappées dans l’emportement de la lutte, tout cela nous semblait un anachronisme qu’il était urgent de faire cesser. Le mal que l’on aurait pu prévenir dès l’origine par une conduite plus ferme s’était aggravé en se prolongeant ; la conclusion présentait des difficultés : le ministère a su les résoudre par des moyens qu’approuveront tous les esprits modérés. Il n’y aura point de persécution, point de martyrs : nous nous en réjouissons. Nous rendons hommage à la sagesse du saint-siège ; son rôle dans cette affaire prouve qu’il sait comprendre l’esprit de l’époque, et qu’il connaît les véritables intérêts de l’église. Espérons que chacun aussi comprendra ses devoirs. Délivré d’un auxiliaire dangereux, le clergé français suivra l’exemple de modération que lui donne la papauté ; il cessera de soutenir des principes subversifs de l’autorité de l’état. D’un autre côté, l’état ne sera plus défendu avec ces armes railleuses et sceptiques qui effraient la religion. Plus de réaction dans un sens ni dans l’autre, plus de doctrines ultramontaines, mais aussi plus de Luthers. Ce ne sont point les Luthers de nos journaux ou de nos écoles qui ont fait triompher la bonne cause ; ce ne sont point leurs prédications qui ont garanti les droits de l’Université et qui ont raffermi la marche du gouvernement au milieu de la tempête soulevée contre lui. Tandis que le débat sur les jésuites provoquait au dehors des exagérations regrettables, la vraie philosophie, amie de la foi et de la raison, parlait à la tribune le langage mesuré qui convient à notre pays, à la tolérance de notre siècle et au caractère modéré de nos institutions.

Justes envers le ministère, que nous félicitons sincèrement d’avoir terminé une affaire épineuse, envers l’habile négociateur qui a si bien rempli la mission confiée à sa dextérité et à sa prudence, nous avons bien le droit de demander que l’on soit juste aussi envers les hommes dont les conseils et l’influence ont prêté un si grand secours au gouvernement. Aujourd’hui, cependant, on se plaît à rabaisser ces hommes. Ils n’ont rien dit, ils n’ont rien fait d’utile. Ils n’ont parlé, ils n’ont agi que pour entraver la marche du cabinet. Heureusement, le pays ne partagera pas cette ingratitude des feuilles ministérielles envers M. Thiers, M. Cousin,