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végétaux, des animaux, des aromes et des passions. Quelle analogie peut-on établir entre le mouvement circulaire des planètes et l’organisation des végétaux ? Quel rapport y a-t-il entre la végétation et les passions de l’homme ? Admettons que l’ordre du ciel doive se réaliser sur la terre ; d’après le maître, le mouvement des comètes est irrégulier, donc l’humanité sera éternellement la même, moitié anarchique, moitié régularisée. Le maître annonce des transfigurations célestes, le progrès du ciel : sur quoi se fonde-t-il ? Sur une inconnue, sur le règne aromal. Voilà encore des rêves. Annonce-t-il des créations, des progrès terrestres ? Si la terre a vieilli, elle n’enfantera plus rien si elle est jeune, l’homme lui-même pourrait être remplacé par des créatures supérieures. — L’hérésie de Toulouse rejette les analogies musicales ; elle substitue aux douze passions que Fourier tirait de la musique quarante passions déterminées par l’histoire naturelle ; elle comprime par les instincts intellectuels l’animalité orthodoxe du fouriérisme. La raison rétablie, l’harmonie des instincts et des travaux est compromise, le phalanstère est ajourné à quatre mille ans. Les séries, dit l’hérésiarque, se développent par entraînement ; mais qui nous assure que l’entraînement ne sera jamais exploité ? Les séries rivalisent par une concurrence pacifique ; qui nous assure que la paix sera maintenue partout et toujours ? Fourier permet le vol : pourquoi pas le meurtre ? Le maître abolit la morale : pourquoi donc honore-t-il le dévouement ? On garantit l’harmonie universelle des instincts par la purgation des passions, par la substitution qui absorbe tout instinct irrité. Peut-on déplacer l’amour, substituer les amans, absorber la vanité, l’avidité, l’ambition, mille désirs insatiables et le désir du bonheur qui augmente avec le bonheur même ? La vraie absorption, c’est le ciel. D’ailleurs, comment admettre que huit cent dix personnes prises au hasard vivront en harmonie, tandis qu’un seul intrus suffit à troubler une famille nombreuse ? Et si elles ne sont pas prises au hasard, comment les choisir ? Nous n’avons, dit M. Daurio, ni les règles, ni la science, ni le pouvoir indispensables pour fonder le phalanstère. La nouvelle commune suppose la civilisation détruite, les idées anéanties, aucun gouvernement qui s’oppose à l’explosion de l’harmonie ; enfin, elle suppose l’industrie attrayante, qui implique l’abondance universelle, car l’attrait ne s’attache qu’aux travaux élégans. Comment créer l’abondance ? Par la communauté ? La communauté répugne à l’attraction. Par un redoublement de travail ? Il supposerait l’entraînement et la découverte des moyens qui le provoquent. On le voit dans la guerre ; là, il touche au paroxisme : comment exciter le paroxisme dans les travaux de la cuisine et du ménage ? Le paroxisme n’est-il pas momentané ? Si on croit l’exciter et le soutenir par l’attrait de la variété, n’aurons-nous pas des productions inférieures aux travaux assidus de la civilisation ? Comment alors vaincre la concurrence des civilisés ? Au lieu de l’abondance, il y aura la misère au phalanstère.

Jamais M. Daurio ne sort des données de Fourier ; il les détruit l’une par l’autre, mais il concentre sa foi dans le groupe et la série. Avec cette donnée, il trace le plan d’une église phalanstérienne qui doit se développer par groupes