essais de jeunesse, mais bien l’œuvre d’un observateur mûri. Elles n’en ont pour nous que plus d’intérêt.
D’après les témoignages divers que nous avons curieusement enregistrés, on a pu se convaincre que les satires de Varron avaient été goûtées chez les anciens ; toutefois, comme elles contenaient beaucoup d’allusions contemporaines, beaucoup de traits d’une érudition raffinée, elles cessèrent de bonne heure d’être lues par le vulgaire et firent exclusivement les délices des lettrés instruits. Moins de deux cents ans après Varron, on trouvait déjà bien des difficultés à tout entendre dans les Ménippées ; les savans seuls s’en piquaient[1]. Cependant les manuscrits de cet ouvrage n’étaient pas encore devenus rares : au IIIe siècle, le grammairien Nonius l’avait encore au complet, et c’est même d’après les très nombreux extraits qu’il en a donnés pour appuyer ses assertions de linguiste, que les Ménippées nous sont surtout connues aujourd’hui ; plus tard même, au Ve siècle, d’autres grammairiens, tels que Charisius et Diomède, ainsi que quelques faiseurs de commentaires qui vivaient à peu près vers ce temps, comme Porphyrion, l’un des annotateurs d’Horace, et Philargyrius, le scholiaste des Géorgiques, paraissent avoir eu entre les mains un certain nombre au moins de ces satires ; mais, dans la barbarie qui survint ensuite, ce livre ne fut plus invoqué, et il ne tarda point à se perdre. Quand, au XIIe siècle, Jean de Salisbury, le premier d’entre les modernes, laissa reparaître sous sa plume ce mot de Ménippée varronienne, ce n’était pas au texte, c’était évidemment aux citations d’écrivains antérieurs qu’il empruntait ses citations propres. Le livre lui-même avait dès long-temps disparu, et sans doute pour toujours.
A dire vrai, les Ménippées, lors de la renaissance des lettres en Europe, n’étaient plus qu’un souvenir, car les courts extraits, les bribes tronquées qu’on en trouvait dans les grammairiens et les glossateurs, semblaient avoir bien peu de prix. J’ai dit pourtant qu’au XVIe siècle un érudit dont le nom sera toujours cité avec honneur, notre grand typographe Robert Estienne, eut avant personne l’idée de glaner laborieusement ces débris épars dans les auteurs anciens, et les joignit à sa précieuse collection des Fragmens des vieux Poètes latins qui parut à Paris, en 1564. C’était justice qu’un pareil travail vit d’abord le jour en France, puisque la France, vingt ans plus tard, devait avoir sa Ménippée du Catholicon. Certainement cette publication ne fut pas sans influence sur les spirituels écrivains qui, par un
- ↑ A. Gell, XIII, 30.