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de posséder en qualité de propriétaires, ils ont cherché du moins à occuper le sol comme fermiers. De là vient qu’au rebours de l’Angleterre, où un fermier exploite souvent jusqu’à 2,000 acres, le pays de Galles est divisé en une multitude de petites fermes qui n’ont pas quelquefois plus de 25 acres d’étendue. De là aussi le prix élevé de la rente que paie le sol, la concurrence faisant monter le taux du fermage bien au-dessus du bénéfice que le cultivateur peut légitimement espérer.

Le sol est généralement mauvais dans le pays de Galles, il ne produit que de l’avoine ou de l’orge. Cultivé d’ailleurs comme il l’est, presque sans engrais et avec une charrue qui gratte plutôt qu’elle ne laboure, au lieu de s’améliorer, il s’appauvrit tous les ans. On cite des endroits où les fermiers ont récolté des céréales quatorze années de suite, au risque de rendre la terre absolument rebelle à toute espèce de production. Comment en pourrait-il être autrement ? Le propriétaire afferme ses domaines à l’enchère et sans bail : le cultivateur qui promet le fermage le plus élevé est mis aussitôt en possession ; mais on ne lui donne aucune garantie, et comme on peut toujours l’évincer en l’avertissant six mois à l’avance, il n’a garde de risquer son argent, s’il en a, dans des améliorations dont un autre serait peut-être appelé à recueillir le fruit. Il cultive donc, non pas comme un fermier, mais comme un manœuvre, travaillant rudement et vivant de peu, versant abondamment sur les champs la sueur de son front, mais n’y apportant rien de plus.

Dans une contrée où la terre ne rend que des produits médiocres et où tout le bénéfice de la production est absorbé par le propriétaire, la misère doit être commune. Pour trouver à vivre, les petits fermiers sont obligés de voiturer des charbons ou de la chaux, et de louer leurs services en qualité de journaliers. Leur nourriture est grossière et à peine suffisante : du pain d’orge, de la bouillie d’avoine, du fromage, du lait, et rarement du porc. Les chaumières, blanchies à la chaux, paraissent généralement salubres, en dépit de leurs dimensions étroites ; mais on en visite souvent plusieurs sans y apercevoir un morceau de pain, et bien des fermiers n’envoient pas leurs enfans à l’école, faute de vêtemens décens pour les couvrir. Que dire des huttes qu’habitent les simples journaliers ? « J’entrai, écrit un rédacteur du Times, dans des chaumières le long de la route, afin de me rendre compte de la condition du peuple ; elles sont construites en terre, le sol en est fangeux et plein de trous. On n’y voit ni chaises ni tables ; elles sont à moitié remplies de mottes de tourbe empilées