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en Europe. La culture des vivres destinés aux noirs, industrie qui n’exige pas de capital, est en général abandonnée aux affranchis pauvres ou aux esclaves. Quant à la taxation des salaires par l’autorité, c’est une mesure de police recommandée dans les deux systèmes d’émancipation proposés par la commission des affaires coloniales. La restriction opposée au commerce des alimens a paru suspecte, nous le savons, à plusieurs abolitionistes. Dans leur zèle inquiet, ils se représentent une compagnie d’agioteurs impitoyables, maîtresse d’affamer les ouvriers et de reconstruire une servitude industrielle plus perfide que l’esclavage légal. Ce qu’ils redoutent pour leurs chers protégés arrivera bien plus tôt dans les colonies anglaises, livrées à toutes les éventualités du libre commerce. La hausse excessive des salaires et la fortune de quelques nègres dans les pays où les bras ont fait défaut, n’ont été que des phénomènes accidentels. Dans les îles où les bras n’étaient pas rares, à Antigue, à la Dominique, à Nevis, à Montserrat, on a obtenu dès les premières années la journée du laboureur pour 60 cent. Qu’on laisse agir le démon de la concurrence, et il trouvera bien moyen de multiplier l’offre des bras, de dicter à son tour le prix des salaires.

Le règlement de travail combiné par M. Lechevalier porte au contraire un caractère de loyauté qui a captivé nos plus chaleureuses sympathies. Passionné pour les belles contrées du Nouveau-Monde, il ne voudrait pas leur faire présent de ce prolétariat affamé qui engendre le paupérisme. Pour attacher les noirs à la vie laborieuse, il leur offre des conditions qui feraient envie à la plupart des ouvriers blancs. — Travail garanti à toute personne de tout âge et de tout sexe, promesse que l’industrie coloniale permet heureusement d’accomplir. — Dotation de 150 francs, somme exagérée selon nous, à tout ouvrier de la compagnie pour premier placement à la caisse d’épargne, et première mise d’équipement. — Salaire fixe, combiné avec le prix des objets de consommation, de manière à assurer le nécessaire de l’existence. — Participation aux bénéfices nets de la compagnie, dans la proportion du quart, ou 25 pour 100. — Soins médicaux assurés pour un faible abonnement. — Caisses d’épargne constituées par une retenue sur la dotation, sur le salaire journalier, sur le dividende éventuel, afin de pourvoir à l’entretien des vieillards et des infirmes. — Dot de 100 francs accordée à chacun des conjoints pour encourager les unions légitimes et détruire le concubinage, si funeste aux populations coloniales. — Distribution de la classe ouvrière en corporations industrielles pour ce qui regarde le travail, et en conseil de