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il entasse pièce à pièce son salaire pour fuir au plus tôt le contact impur des infidèles. Une telle population serait funeste à nos colonies. Il faut sous le ciel généreux des tropiques une industrie vivace qui vende ses produits à bon prix, consomme largement ceux de la métropole, afin d’entretenir un courant d’échange et un mouvement d’idées profitables aux deux mondes.

Il n’est pas nécessaire d’insister sur les chances nouvelles offertes au commerce et à la marine par l’exploitation en grand d’un pays comme la Guyane ; aux sympathies qui se sont manifestées dans la haute banque et le haut négoce, on peut croire que nos capitalistes tiennent à honneur de constituer une société maritime comme celles qui occupent une si grande place dans l’histoire de la Hollande et de l’Angleterre.

Notre pays éprouve un besoin d’expansion qui est un signe de force, mais qui a ses dangers pour l’avenir. Toutes les carrières, tous les comptoirs sont encombrés ; on y étouffe, on s’y dévore. Puisqu’on a pour système d’exciter les appétits matériels, il est prudent de leur préparer une nouvelle pâture. La spéculation terre à terre ne suffit pas à un grand peuple ; il s’y trouve des natures aventureuses auxquelles il faut un horizon large et chaudement coloré, des aspects nouveaux, des rêves de fortune et de gloire, de l’imprévu, de l’idéal. Voilà ce qu’offre précisément le programme des colons de la Guyane, et on peut lui appliquer ce mot heureux de l’un de nos hommes d’état : « La colonisation, c’est la poésie de la paix. »


A. COCHUT.