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Alors, de sa tanière attiré par leurs voix,
Les yeux en feu, le loup, comme un trait, sort du bois,
Tue un jeune poulain, étrangle une génisse ;
Mais avant que sur eux l’animal ne bondisse,
Souvent tout le troupeau se rassemble, et les bœufs,
Les cornes en avant, se placent devant eux.
Le loup rôde à l’entour, ouvrant sa gueule ardente,
Et hurlant, il se jette à leur gorge pendante ;
Mais il voit de partout les fronts noirs se baisser
Et des cornes toujours prêtes à le percer.
Enfin, lâchant sa proie, il fuit, lorsqu’une balle
L’atteint, et les bergers, en marche triomphale,
De hameaux en hameaux promènent son corps mort :
Tel le loup qu’on voyait ce jour-là dans Coat-Lorh.

Ô landes ! ô forêts ! pierres sombres et hautes,
Bois qui couvrez nos champs, mers qui battez nos côtes,
Villages où les morts errent avec les vents,
Bretagne ! d’où te vient l’amour de tes enfans ?
Des villes d’Italie, où j’osai, jeune et svelte,
Parmi ces hommes bruns montrer l’œil bleu d’un Celte ;
J’arrivais, plein des feux de leur volcan sacré,
Mûri par leur soleil, de leurs arts enivré ;
Mais dès que je sentis, ô ma terre natale,
L’odeur qui des genêts et des landes s’exhale,
Lorsque je vis le flux et reflux de la mer
Et les tristes sapins se balancer dans l’air,
Adieu les orangers, les marbres de Carrare !
Mon instinct l’emporta, je redevins barbare,
Et j’oubliai les noms des antiques héros
Pour chanter les combats des loups et des taureaux !

N’est-ce pas bien là le ton, l’accent, le mouvement de l’épopée bucolique ? Dans cette lyrique apostrophe :

Ô landes ! ô forêts ! pierres sombres et hautes,
Bois qui couvrez nos champs, mers qui battez nos côtes…

ne croit-on pas entendre comme un écho du Salve, magna parens frugum, ou bien encore cet autre cri patriotique : Di patrii, indigetes… ?

Les bestiaux, les bœufs surtout, jouent, comme il convient, un rôle fort important dans cette odyssée rustique. Les jeux, les travaux, les victoires de ces animaux portent toujours bonheur à notre poète.